Rohmer s’est fourvoyé !
Eh bien moi, qui suis un admirateur (mais non pas inconditionnel : vigilant !) d’Eric Rohmer, j’ai été fortement déçu par la re-vision du film, qui m’avait pourtant bien plu lorsqu’il était sorti.
Mais sans doute était-ce parce qu’il sortait (10 février) quelques semaines avant les élections législatives de mars 1993 (21 et 28 mars), élections qui furent le théâtre de la plus monumentale déculottée qu’un des camps politiques majeurs ait jamais reçu (57 socialistes et 23 communistes sur 577 sièges !) et que la fièvre électorale ne m’avait pas, à l’époque, laissé indifférent.
Ceci laissé de côté, qui n’a plus de pertinence, je me suis bien ennuyé, parce qu’à changer de sujet – les relations amoureuses, ou sentimentales, les jeux de séduction des hommes et des femmes – Rohmer
change de ton ; bien sûr, on retrouve l’écriture savoureuse, la finesse, la subtilité des dialogues et la justesse des notations. Mais appliquées à un sujet extérieur, ces qualités paraissent artificielles et l’atmosphère sonne faux. Ce n’est pas du tout le cas de L’Anglaise et le Duc
, autre film politique où les personnages sont faits de chair et de sang et accrochent parfaitement l’attention (malgré une autre artificialité, bienvenue, celle-là : celle des décors).
Dans L’arbre, le maire et la médiathèque, hors à de rares instants, on a toujours l’impression d’une épure tracée au tableau par un géomètre, ou même par une machine : ça manque d’épaisseur humaine !
Dommage pour Pascal Greggory, excellent, alors que Luchini
, livré à lui-même sur un sujet dont manifestement il se contrefiche, est caricatural. Quant à Arielle Dombasle
, ses mines et ses poses faisaient déjà petite vieille à l’époque…
Un truc qui agace le connaisseur convenable de la carte électorale que je fus : avoir situé en Vendée l’intrigue et avoir fait dire à Julien Dechausmes (Pascal Greggory, donc) que le Nord du département est historiquement à gauche ; je ne sais de quelle désinvolture ou malice Rohmer
a voulu faire preuve ici : JAMAIS, ni sous la IVème, ni sous la Vème République, jusqu’à 2012, la Vendée n’a élu un député de gauche (à l’exception de 1986, où, le scrutin étant proportionnel, un malheureux socialiste passa ; mais, par définition, il n’avait pas de circonscription)
Rohmer aurait pu, pour évoquer un département de l’Ouest rural très contrasté, parler des Deux-Sèvres ; mais là, c’est le Nord catholique qui est à droite (il confine à la Vendée) et le Sud protestant qui est à gauche (c’est la circonscription de Ségolène Royal)…
Enfin, tout cela n’a d’importance que relative ; mais je trouve que Rohmer s’est tout de même pas mal fourvoyé…