L’assistance sociale.
Comme L’argent fait le bonheur est une fable réalisée pour la télévision, une fable avec son joyeux appareil de symbolisme, de morale symboliste, et que le discours est plutôt sympathique et ouvert, je mets une note de faveur, que ne mériterait pas un film, qui doit être davantage structuré….
De quoi s’agit-il ? On est toujours à Marseille, éternelle passion de Guédiguian, mais ce n’est plus dans cette sorte de village populaire de l’Estaque où il y a des tas de cabanons à l’échelle humaine. Là, c’est dans une cité déshéritée que les choses se passent.
Vraiment triste, la Cité, même si elle n’est pas bien épaisse : des immeubles minables, une sorte de place minérale, quelques pelouses pelées. Et on sent qu’on est bien loin du Vieux Port et de la Canebière : autour de la Cité des terrains vagues, des bicoques abandonnées, un désert de cailloux pâles. Pour des riens, une guéguerre idiote menace de s’engager entre deux bandes d’habitants.
Forces en présence : 953 habitants, dont 456 chômeurs, 302 alcooliques, 251 voleurs, 220 fascistes, 220 intégristes musulmans, 192 drogués, 159 séropositifs, 3 communistes et un curé. C’est la drôle d’énumération que fait ledit Curé (Jean-Pierre Darroussin) en présentant son cadre de vie et d’apostolat, qu’il exerce, d’ailleurs, au pied des immeubles dans un hangar en tôle ondulée, prêté à qui le demande pour mariages, réunions, fêtes et célébrations.
La fable est bien fable : les deux bandes de gamins qui voudraient couper en deux la Cité comptent l’une et l’autre, en nombre équivalent, Européens, Noirs, Arabes, grands et petits ; on ne comprend pas très bien (ou on oublie vite) pourquoi elles tiennent à séparer ce qu’un évident commun destin unit. Peu importe : la tâche du prêtre va être de les réunir par l’exemple, l’ouverture, la bonne volonté, la générosité… et même si c’est en couvrant des trafics bizarres, en fournissant seringues et préservatifs, en parrainant (si je puis dire) un hold-up dans une banque du centre de Marseille. Hold-up décidé par l’assemblée des matrones : Volons les nantis, les bourgeois, les riches… comme autrefois !
Tout cela fait un film animé des mêmes générosités progressistes qui agitaient pas mal de chrétiens de gauche (quand il y en avait encore). Moi qui ne me situe pas exactement de ce côté là de l’échiquier (c’est une litote), j’ai trouvé là un ton gentiment rêveur, sans agressivité aucune, sans beaucoup de réflexion non plus. Un peu comme une parenthèse dans l’univers très désenchanté du communiste Guédiguian.
Et ça ne m’a agacé qu’à la fin, lorsque lors de la fête qui, grâce aux sous du hold-up, scelle la réconciliation de tous, le Curé roule une pelle à la courageuse Simona (Ariane Ascaride) ; on aurait pu nous épargner ce pont-aux-ânes de la sexualité des prêtres.
Ah ! Et puis aussi on aurait pu dire à Guédiguian que, depuis la fin du Concile Vatican II (le 8 décembre 1965), on ne voit plus de soutanes, sauf dans les milieux traditionalistes ou intégristes, ce qu’on n’imagine pas le curé de L’argent fait le bonheur être, ou même avoir été.