L’arme à gauche

Du rhum et du punch.

Je m’étonne d’avoir été, il y a quelques années, si condescendant pour ce film qui, malgré quelques longueurs initiales, dès qu’il a atteint la bonne température, devient très prenant et même quelquefois haletant, à ses meilleurs moments.

Évidemment sera bien décontenancé celui qui s’attendrait à trouver dans L’arme à gauche une préfiguration de ce que deviendra Claude Sautet cinq ans après, lorsque, avec le concours de Jean-Loup Dabadie ou de Claude Néron, des Choses de la vie à Mado, il réalisera le plus parfait portrait ethnographique de la société de la fin des Trente glorieuses. Rien de commun entre les films de groupe qui ont si fortement marqué les années Pompidou et la solide rugosité de L’arme à gauche, un peu en retrait, toutefois sur Classe tous risques, qui l’a précédé de cinq ans, mais avec le même Lino Ventura.

L’arme à gauche, c’est un scénario très solide, très simple, très efficace, une fois les prémisses posées. Un marin coriace, Jacques Cournot (Lino Ventura), dont on ne saura pas grand chose sinon qu’il a eu des ennuis de fortune et qu’il a été marié, est chargé par un type ambigu, Hendrix (Alberto de Mendoza), d’expertiser les qualités d’un bateau ancré dans un port d’Amérique centrale pour le compte d’une veuve américaine qu’il croit riche, Rae Osborne (Sylva Koscina). Le ketch disparait, la veuve charge le marin de le retrouver. Ce qu’il parvient à faire, en sa compagnie.

Le bateau est échoué sur un haut fond. À son bord un groupe de malfrats, trafiquants d’armes, dirigé par Morisson (Leo Gordon) qui est un tueur assez féroce. Le navigateur et la veuve tombent entre leurs mains. Et le film devient vraiment intéressant. Un excellent rythme, une tension qui monte régulièrement, des péripéties inventives, un dénouement ingénieux, même s’il est largement prévisible. On peut aussi chipoter que la coiffure de Sylva Koscina demeure constamment impeccable et que le pantalon de Lino Ventura garde presque jusqu’au bout son pli.

Oui, sans doute, c’est du cinéma de série, qui n’a pas d’autre ambition que d’assurer un excellent spectacle et de faire passer un bon moment ; et je confirme aussi que si le film n’était pas signé par Claude Sautet, on ne l’aurait sans doute pas édité et je ne l’aurais pas forcément regardé…Quoique… Écrivant cela, je m’en repends aussitôt : après tout j’ai regardé et apprécié beaucoup de trucs d’Henri Decoin, comme celui-ci bien charpentés et bien menés, distrayants en tout cas. Et alors ?

Le miracle, c’est que Sautet est ensuite passé dans une autre dimension.

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