Le capitaine Hervé (Charles Vanel) est un excellent marin, rigoureux, précis, scrupuleux ; les armateurs qui le chargent de transporter aux Antilles des marchandises à partir de Nantes, son port d’attache, lui font grande confiance. Mais il a du mal à recruter des équipages de qualité, parce qu’il interdit sévèrement l’alcool sur le navire, en connaissant bien les ravages ; c’est pour cela que la Duchesse Anne, qu’il commande, est surnommé le bateau à soupe. Il conserve toutefois avec lui, entre deux périples, une petite équipe de marins qui lui sont attachés. En premier lieu Kerroët (René Génin), le coq à la fois cuisinier, valet de chambre, homme à tout faire qui l’accompagne depuis des années et qui est le seul à pouvoir lui parler avec franchise. Mais aussi Le Hénaff (Alfred Adam), le bosco, le maître d’équipage, qui file doux mais qui n’est pas bien clair. Et quelques autres silhouettes… Et puis un second, le lieutenant Donatien Mahu (Jacques Berthier), issu d’une riche famille nantaise rejoint le bateau pour y prendre de l’expérience. Il est jeune, bien élevé et beau.
Craignant une nouvelle peignée, Marie-Douce vient furtivement se réfugier sur la Duchesse Anne. Le capitaine Hervé, d’abord furieux, se laisse amadouer, accepte qu’elle passe la nuit sur le bateau, se propose même ensuite de l’envoyer en pension chez les religieuses. Mais il cède à la demande insistante de la jeune fille de voir le soleil et la douceur des Antilles et l’embarque ; c’est alors que son vieux camarade Kerroët (René Génin) lui rappelle que pareille complaisance a, vingt ans auparavant, entraîné une catastrophe.
Mais rien n’y fait ; et on voit bien que le vieux loup de mer est de plus en plus sensible au charme de Marie-Douce. Qui, de son côté est séduite par l’allure, la jeunesse et la distinction du lieutenant Mahu. Donc à partir de là, toutes les vis sont serrées à bloc. D’autant qu’à l’occasion de l’escale aux Antilles, cinq membres de l’équipage sont débauchés par un bateau où l’on peut boire de l’alcool et sont remplacés par cinq voyous, à l’instigation du bosco Le Hénaff (Alfred Adam) qui ne supporte plus la rigueur du capitaine et surtout a envie de sauter la jolie jeune fille. Kerroët a beau avertir le capitaine et même le quitter, rien n’y fait.
Comme Hervé, pour pouvoir revenir plus vite à Nantes, a accepté de prendre en cargaison des bariques de rhum, la logique des événements est en place : équipage de mauvaise qualité, que le bosco alimente en alcool, désillusion du capitaine qui voit que Marie-Douce n’envisage pas un instant de faire sa vie avec lui mais bien plutôt avec le lieutenant Mahu ; et pour couronner le tout, navire encalminé au milieu de l’océan pendant des jours, ce qui attise les rancœurs et les frustrations… Rébellion, mutinerie, meurtres… Puis tempête.
Marie-Douce, violée par les racailles, s’éteint sous les coups et la honte, Mahu s’en va retrouver sa riche famille. Le capitaine reste seul. On ne peut pas dire que. Maurice Gleize ait laissé grande trace dans l’histoire du cinéma ; un de ses films, Le récif de corail interprété pourtant par Jean Gabin et Michèle Morgan est même traité de daube par des plumes autorisées. Et voilà que Le bateau à soupe, spectaculaire et bien rythmé est de qualité ; que de mystères du filmage !