On aimerait aimer parce que le film est ambitieux, sérieux, solide et qu’il ne se penche pas sur les sujets ponts-aux-ânes de notre bel aujourd’hui, mais sur des questions autrement plus puissantes : la défense de notre Nation et la mise en valeur de ceux qui ont voué leur vie à ce beau combat. Un film qui ne prend pas le spectateur pour un imbécile, qui tente de lui faire saisir à la fois le bruit des enjeux qui agitent le monde mais aussi, et surtout, les processus de décision qui, sans qu’on en ait les oreilles rompues conditionnent, tout simplement, notre survie. On ne parle d’ailleurs jamais de ces questions vitales et angoissantes, préférant pleurnicher sur des situations épiphénoménales (machisme, sexisme, écologisme, intersectionnalisme et tout le bataclan).
On aimerait aimer parce que c’est remarquable d’honnêteté et que l’on voit bien que la Marine nationale a collaboré autant qu’elle le pouvait pour présenter au spectateur la réalité de la vie quotidienne de ces sous-mariniers surprenants et exemplaires qui passent le temps de leurs factions dans la lumière rougeâtre, obsédante, des écrans où s’inscrivent à tout instant des courbes qu’il faut décrypter, élucider, interpréter dans une immédiateté anxiogène. Parce que l’on devine les actions souterraines des commandos qui accomplissent un sacré boulot de renseignement dans des conditions invraisemblables. Les premières images du film qui se passent du côté de Tartous, ville côtière de Syrie, dévoilent un peu les techniques de dissimulation et d’espionnage d’unités d’élite de l’Armée française (ce doivent être les soldats du 13ème régiment de Dragons parachutistes, habitués à survivre et à renseigner dans les conditions les plus extrêmes).
On aimerait aimer, parce que l’on peut voir la difficulté et la précision des périples accomplis sous toutes les mers du globe par des talents exceptionnels ; ici, une oreille d’or, capable de distinguer dans le brouhaha maritime des signatures acoustiques qui permettent d’identifier cachalots, cargos, paquebots ou navires de guerre et d’accomplir des missions complexes, dont la nature et l’intérêt n’apparaissent pas si clairement que ça.
On aimerait aimer mais on est tout de même un peu trop décontenancé par la conception du récit qui démarque, d’une certaine façon, l’inéluctabilité horlogère de Docteur Folamour de Stanley Kubrick, sans pour autant y insérer le grand rire narquois méprisant nécessaire : la fin du Chant du loup, ses miracles et ses invraisemblances, son côté presque mélodramatique gêne la cohérence du récit, jusque là glacé comme il fallait qu’il fût. Le parti-pris romanesque qui survient n’est pas vraiment de mise et on pourrait penser qu’il n’y avait pas de mal à demeurer dans un récit presque documentaire sur les missions des sous-mariniers.
Je suppose que les nécessités financières et les exigences de la production ont incité le réalisateur à employer des acteurs extrêmement bankables : en premier lieu Omar Sy,mais aussi Mathieu Kassovitz, deux personnalités qui ne sont pourtant pas réputées pour nourrir envers la France une grande tendresse ; disons à tout le moins qu’ils font le job. Tout aussi bien que Reda Kateb, au jeu toujours maintenu. Et l‘oreille d’or, autour de qui tourne toute l’intrigue, François Civil, est vraiment convaincant.
On aimerait aimer. Mais c’est un peu trop compliqué pour que l’on aime vraiment.