Franchouillardise prémonitoire.
Pour être bien sincère, je me suis toujours délecté des abominables et délicieux nanars des années 30, 40 et 50, parce qu’ils me montraient le monde que je n’ai pas connu, ou à peine, mais qui était celui dont mes parents m’avaient parlé, ne serait-ce que discrètement ou sans y attacher la moindre importance. Mais je me suis toujours tenu très éloigné des catastrophes cinématographiques suivantes. L’affreuse nullité de Mais où est donc passée la 7e compagnie ? (1973) du pourtant si excellent Robert Lamoureux avec ses pires séquelles, les abominations de Philippe Clair, par exemple La brigade en folie (1973) – rien que le titre ! -, l’immonde succès de La soupe aux choux (1981) de Jean Girault, la notoriété de Mon curé chez les nudistes (1982) de Robert Thomas… et dix, cent autres films avec les Charlots, par exemple, voilà qui me portait au cœur.
Occasion de regarder ce Chêne d’Allouville de Serge Ménard (quel patronyme en soit accablant !) de 1981 : les acteurs de second rang de l’époque : Bernard Menez, Jean Lefebvre, Henri Guybet, Pierre Tornade ; et un peu Philippe Nicaud qui fut à peu près quelque chose quelques années auparavant. Un film empreint de l’arôme de la France rurale, avec des figurants recrutés dans les villages. Comme, en l’espèce, on est en Normandie, on aperçoit dans les yeux l’impact des biberons au calvados avec quoi étaient sevrés jadis les nourrissons de la péninsule.
Il se trouve que, miraculeusement, le propos se calque sur les principes, les idéologies et les orientations d’aujourd’hui. Et pour une fois les présupposés écologiques ne sont pas de mauvais aloi et s’additionnent à une sorte de lutte anticorruption qui est parfaitement justifiée.
De quoi s’agit-il ? Charles Crétois (Philippe Nicaud), député concussionnaire et corrompu (pléonasme ?) fait tout son possible pour faire passer en plein centre ville de la bourgade d’Allouville une route espérée depuis longtemps mais qui aurait normalement dû trouver place dans une déviation extérieure. La question est qu’au centre du village s’étage, s’étale, prospère, émerveille les touristes un arbre presque mythique. Un arbre véritable, d’ailleurs : peut-être le plus ancien du monde occidental qui, selon certains chercheurs, est couvert de 13 siècles de vie : Charlemagne, Guillaume le Conquérant, tous les ducs de Normandie ont pu le contempler. La route prévue serait dangereuse pour les racines de la vieille chose qui pourrait en mourir.
Le député corrompu a acheté la conscience du brave crétin Henri Brainville (Pierre Tornade), maire du village, qui a accepté l’attentat au bénéfice d’un terrain de football, d’une piscine, d’une croix de la Légion d’Honneur.
C’est là que se dressent devant ces canailleries le jeune curé Bernard Lecourt (Bernard Menez), fils, d’ailleurs, d’Albert (Jean Lefebvre), ancien maire de la bourgade et frère de François (Henri Guybet) qui vont prendre peu à peu le parti de leur fils et frère. Et naturellement le Bien (la sauvegarde du chêne) va l’emporter sur le Mal (les tripatouillages affairistes des nantis). Mixez cela avec des petites histoires amoureuses, des grognassements de famille et des propos souvent graveleux, vous avez un film cousu de médiocrités diverses.
Ah, certes ! La figure du prêtre n’est pas, pour une fois, constellée de crachats et offre une image positive, ni pédophile, ni minable. Est-ce que ça suffit pour autant à donner le moindre élan à un film si médiocre ?