Sommaire, scolaire, satisfaisant.
Comment voulez-vous qu’une adaptation filmée puisse mettre en scène la fabuleuse efflorescence du roman d’Alexandre Dumas ? Monte-Cristo est, à mes yeux, le chef-d’œuvre du romancier, supérieur au cycle des Trois mousquetaires, à celui de la Révolution (Joseph Balsamo, Le collier de la Reine, La comtesse de Charny), à celui de la Renaissance (La Reine Margot, La Dame de Monsoreau, Les Quarante-cinq) ; en adapter le foisonnement dans un film de deux époques seulement, fût-il de plus de trois heures, me semble impossible.
Pour bien représenter la richesse de l’intrigue, il faut la télévision et des tas d’épisodes. Je sais que c’est ce qu’a fait la grosse Dayan ; mais c’est quelqu’un qui salit tout ce qu’elle touche et je ne suis pas sûr que la gageure ait pu être tenue… Il faut donc, pour apprécier le film de Claude Autant-Lara oublier des pans entiers du roman, des personnages primordiaux et des situations haletantes ; si on parvient à le faire, on pourra prendre du plaisir à la vue d’une machinerie assez sérieuse à quoi les moyens n’ont pas manqué, en tout cas pour présenter de beaux décors et de nombreux figurants. Mais écrivant cela, je me dis qu’on a tout de même fait quelques économies dans la distribution. À part Louis Jourdan qui, en 1961, était une vedette internationale, c’est assez maigrelet par ailleurs : Yvonne Furneaux, Pierre Mondy, Bernard Dhéran, Claudine Coster, Jean Martinelli, qui avaient tous bien du talent étaient davantage des comédiens de théâtre qui faisaient quelques piges au cinéma. J’ai l’impression que tous les picaillons du producteur sont passés dans le Technicolor et les costumes.
Bien dommage parce que pour représenter cette histoire fastueuse d’injustice et de vengeance, ses multiples développements, ses horreurs, ses empoisonnements, son amertume terrible, celle des vies gâchées irrémédiablement (et contrairement à la dernière séquence du film, happy end désagréable) il faut, autour de la figure de Dantès, des personnages du même sombre niveau. Et ce n’est pas en faisant intervenir la figure historique de Vidocq, qui n’apparaît à aucun moment dans le roman, qu’on se retrouve sur ses pattes.
Je comprends qu’on élague, coupe, retranche ; mais les partis pris ne sont pas très satisfaisants : où est passé le personnage de Danglars qui, plus que Mondego/Morcerf, plus que Villefort, bien plus que Caderousse est à l’origine de l’incarcération au château d’If d’Edmond Dantès (et qui est pourtant le seul de ses ennemis à qui Dantès laissera la vie) ? Pourquoi faire de Noirtier, le père bonapartiste du royaliste Villefort un simple paralytique alors que frappé d’une attaque, il ne peut plus s’exprimer que par des clignements d’yeux ? Et passer sous silence les manœuvres d’empoisonneuse d’Hermine de Villefort ?
