Gentille revanche des humbles.
Eh bien, donc, si on n’a pas un goût immodéré pour l’immortel réalisateur Léon Mathot, auteur révéré de – entre autres – Bouboule 1er, roi nègre et de Nu comme un ver, si l’on n’est pas absolument frappadingue de Georges Milton, tout autant immortel acteur du Roi des resquilleurs et de Ploum, ploum, tra-la-la… on peut parfaitement s’abstenir de déguster, en met raffiné ce Comte Obligado…
Je dois à la vérité d’avouer que si Léon Mathot m’était, jusqu’à tout à l’heure, parfaitement inconnu, j’ai du goût pour Milton, petite boule de nerfs musculeuse, dynamique, dotée d’un des plus beaux tempéraments de râleur franchouillard et complice qui se puisse. Et dans tout l’œuvre chanté de Milton, il y a un absolu joyau, une pochade graveleuse et drôle, qui fut un succès colossal en 1929, aux heures initiales de la (première) Crise et qui est La fille du bédouin. D’ailleurs Louis Malle qui fait chanter la rengaine par les protagonistes de Milou en mai autour de la dépouille mortelle de Mme Vieuzac, mère de Milou (Michel Piccoli) rend là un hommage/clin d’œil, puisque Mme Vieuzac, c’est Paulette Dubost, jeune première du Comte Obligado !
Et à dire le vrai, il n’y aurait que sa géniale interprétation par un Milton inspiré, qu’on croirait de caoutchouc, dans ce Comte Obligado que cela suffirait aux amateurs ; mais il y a davantage : par le même artiste, l’interprétation de Est-ce que les artichauts sont meilleurs froids que chauds ?, le charme acide de Paulette Dubost, gracieuse petite seconde d’atelier, les décors Arts décos d’une grande maison de couture, un assez surprenant érotique tableau vivant bien dénudé, et quelques dialogues bien venus (ainsi celui entre Mitaine (Paulette Dubost), petite employée et le salace rastaquouère Miranda (Jean Aquistapace) qui voudrait bien avoir sa virginité : J’ai un petit oiseau qu’on ne donne pas au premier venu ! dit la fausse ingénue Au premier venu, non, mais au premier arrivé, sûrement ! répond le vieux marcheur. Il est vrai qu’il y a, par ailleurs, beaucoup de dialogues d’une affreuse facilité…
Que dire encore, si ce n’est l’agréable férocité d’un regard narquois et clairvoyant sur une petite société d’oisifs interlopes à femmes vénales et légères et la satisfaction de voir quelques braves gens à qui tous les bonheurs arrivent, l’amour et le gain du gros lot de la Loterie nationale, cette machine à rêver qui, en 1935 (et pour quelques décennies encore) donnait lieu à un tirage à quoi on assistait comme à un spectacle extraordinaire…