Autorisation de délirer.
Petit film-culte d’un grand réalisateur-culte, Mario Bava, Le corps et le fouet ne brille ni par sa musique, qu’on croirait écrite pour un porno-soft, ni par la caractérisation des personnages, tous niais, ni, d’ailleurs par leur jeu, empreint d’un expressionnisme détestable (y compris Christopher Lee), et moins encore par les dialogues, souvent à pleurer de rire (ainsi lorsque Cristiano, le héros positif (Tony Kendall) et le serviteur boiteux Lozar (Luciano Pigozzi) ouvrent le cercueil du méchant Kurt (Lee, donc) pour vérifier qu’il est bien mort et trouvent un cadavre en pleine décomposition, brunâtre et gluant, l’un d’entre eux s’exclame Il est méconnaissable !).
Donc, ne pas s’attendre à un récit solidement construit et à des personnages attachants ; mais s’émerveiller du sens très sûr de la composition de Bava, du caractère outrageusement baroque de ses éclairages, dont les bruns, les violets, les verts, les oranges, les rouges, artistement disposés, préfigurent le Dario Argento de Suspiria ; se satisfaire des décors toujours séduisants d’un château austère, de ses passages secrets (aboutissant dans les monumentales cheminées, comme dans Le masque du Démon) et du capharnaüm habituel de l’épouvante : crypte poussiéreuse, couloirs hostiles, chaînes, flambeaux, grilles dentelées, tombeaux, halètements, rires sardoniques et tutti quanti.
Mieux encore, s’extasier devant le travail sur les sons, la perfection des bruitages et la façon de les faire intervenir au moment opportun ; admirer la qualité extrême des gros plans, la faculté de capter, dans un battement de paupière, dans le frémissement d’une lèvre, le froncement d’un sourcil l’effet de la panique qui monte ; se féliciter du beau niveau des prises de vue extérieures, notamment de la grève désolée où paraît toujours se coucher un soleil sanglant…
Et enfin et surtout, applaudir des deux mains à l’audace remarquable d’un film qui montre de manière très explicite une passion sado-masochiste compulsive et absolue et l’art de la représenter, malgré les interdits de 1963, de façon telle qu’elle ne laisse aucune place à la moindre ambigüité moralisatrice ; même si Daliah Lavi est bien loin, hélas, de la qualité de jeu de la grande Barbara Steele, égérie morbide de l’époque, il y a des scènes assez glauques et, de ce fait, pas mal du tout…
Film réservé aux amateurs de giallo, certes, film mineur tant qu’on voudra, mais film intéressant dont la seconde partie, ce qui est rare, est bien meilleure et plus haletante que la première…