Algérie, juillet 62
On ne se trompe pas beaucoup, il me semble, en indiquant qu’ Alexandre Arcady a réalisé là un film sensible, bien moins caricatural que l’agréable Grand pardon.
Le retour en France – en métropole, comme on disait – d’un million de Pieds-Noirs, souvent petites gens, dont les ancêtres s’étaient quelquefois installés Outre-Mer juste après la conquête de 1830, et qui, à ce titre, étaient profondément enracinés dans le pays, l’aimaient charnellement, étaient souvent proches de la population indigène, a laissé, laisse encore des traces durables dans la réalité française d’aujourd’hui, tant les cicatrices ont été longues à guérir, si tant est qu’elles aient pu le faire.
Le coup de sirocco n’est pas un film politique, ne jette pas le regard manichéen qui en aurait gâché le propos ; on ne cherche pas à dresser fellaghas et pieds-noirs les uns contre les autres, ni même à se livrer à de savantes gloses sur la responsabilité des uns et des autres dans ce désastre qu’a été la séparation de la France et de l’Algérie (comprenons-nous ! le désastre, ce n’est pas du tout l’indépendance de l’Algérie, vraisemblablement inéluctable, en tout cas qui l’était lorsque la sédition a éclaté à la Toussaint 54 ; le désastre, c’est l’atmosphère de haine qui a longtemps prévalu, c’est le retour en France d’un million de personnes qui auraient pu apporter leurs talents, leurs compétences, leur formation au jeune État et que les horreurs conjuguées du FLN et de l’OAS ont contraint de partir).
Le coup de sirocco, c’est l’histoire d’une réinsertion difficile, dans un pays hostile en grande partie (l’attitude du guichetier SNCF de Marseille n’est nullement fausse) de braves gens qui ont absolument tout perdu, amis, métier, meubles, souvenirs et tombeaux et qui pleurent chaque soir leur Paradis perdu.
Paradis perdu par leur faute ? En partie peut-être, ou de celle de leurs parents, de leurs grands-parents, et surtout par la faute de l’Histoire…Et alors ?
Roger Hanin est absolument parfait, qui joue de sa faconde pour ne pas pleurer, et Marthe Villalonga est très émouvante aussi. Les détails sont vrais, comme celui du petit réseau dérisoire de sympathisants de l’Algérie française qui accueille les Narboni (la dame qui fait ti-ti-ti ta-ta c’est-à-dire « Al-gé-rie françai-se ! » ou le vieux général Maurice Chevit qui aide Albert à trouver du boulot…)
Un film qui oscille sans cesse, comme la vie, entre le drame et l’espoir, entre les larmes et le rire…