À mes yeux qui, il est vrai, n’ont pas beaucoup de sympathie pour les outrances de Louis de Funès (à part le premier Gendarme de Saint-Tropez et, bien entendu, quelques scènes irrésistibles piquées ici et là, lorsque l’acteur n’était qu’une silhouette de complément) à mes yeux donc, Le grand restaurant est un des pires pensums qui se puissent, ridicules, estropiés, misérables, tous voués à la célébration enamourée de l’acteur.
Ce devait n’être pas très facile, pour de grand comédiens comme Bernard Blier, Venantino Venantini, Folco Lulli, voire Noël Roquevert de jouer les faire-valoir dans un film entièrement joué, écrit, mis en scène par Louis de Funès. Mais il faut bien vivre et gagner des sous. Des sous que Funès, après des années de vache enragée, accumulait au mieux.
La France de la fin des années prospères s’était prise de passion pour cet acteur plein de rogne et de morgue qui lui ressemblait tellement. Tranquille et maugréant. Une image presque complétement gauloise. La Gaule folle avant que Rome la sage vienne lui tirer les oreilles et la faire entrer dans la civilisation. Et inutile de me dire que l’acteur était d’origine espagnole ; je le sais parfaitement.
Que dire de la bêtise infinie du scénario ? Tout ça n’a aucune espèce d’importance, bien sûr. Les spectateurs ne sont présents que pour assister aux crises de nerfs de Louis de Funès, pour ses éructations, ses fulminations, ses colères insensées : on attend les numéros que le scénariste et le metteur en scène ont méticuleusement placés aux moments adéquats. Ça marche comme une horlogerie suisse et, aux intervalles repérés, ça fonctionne comme il faut. On n’en demande pas davantage.
Bon, c’est vrai, je concède, il y a deux ou trois bons moments. Celui, par exemple, au tout début où le visqueux Septime se répand en ronds de jambes devant le ministre (Noël Roquevert), abaissant à chaque convive présenté son niveau d‘amabilité, ne portant pas même un regard sur le moins notoire.
J’aime aussi l’air souffrant, désespéré de Jean Ozenne qui soupire à tout instant ‘’Mon Dieu ! Mon Dieu !’’. Mais ce que je peux apprécier ce sont de très courts moments, des bouts de sketches, des numéros de music-hall. En aucun cas un film. D’ailleurs, comme on l’a noté, le récit s’essouffle à toute allure et finit de la façon la plus piteuse qui se puisse.
Je suis bien conscient que le succès extraordinaire de Louis de Funès est un phénomène majeur qui, en tête d’affiche, éberlua le cinéma français pendant… pendant moins de vingt ans, au juste du Gendarme de Saint-Tropez (1964) au Gendarme et les gendarmettes (1982). On ne peut pas faire l’impasse là-dessus, j’en conviens.