Qui découvre en DVD un film précédé de l’aura dorée de son titre mélodieux, de sa tristesse infinie, de la réputation de Vittorio De Sica alors qu’il ne l’avait pas vu à sa sortie en salle, il y a plus de cinquante ans, s’attend à une de ces fortes émotions qui font la magie du cinéma et marquent durablement le regard.
Je ne suis pas allé jusqu’aux plus grandes hauteurs et pas simplement parce que la photographie, les décors, la beauté des interprètes, des maisons et des rues de Ferrare m’a semblé, comme on le note excellemment ici et là davantage parente à la démarche esthétisante un peu vaine – à mes yeux – d’un Luchino Visconti qu’à l’humanisme en action de Vittorio De Sica. (D’ailleurs la présence d’Helmut Berger, acteur viscontien s’il en est, va dans ce sens).
Alors, qu’est-ce qui me retient d’aller au delà d »une note pourtant déjà très bonne, équivalant à 13 ou 14/20 -, qu’est-ce qui m’empêche d’adhérer complètement à cette histoire poignante ? Peut-être, paradoxalement, que le film est un peu court et que ses quatre-vingt dix minutes ne permettent pas tout à fait de développer l‘avant de l’histoire, que les flash-backs de dix ans avant sont trop brefs et trop épars : il me semble que le côté de Paradis perdu du jardin, mais aussi des amours enfantines de Micol (Dominique Sanda) et de Giorgio (Lino Capolicchio) aurait gagné à être développé sur une plus grande longueur, en tout cas sur de plus forts appuis. Comme Le vieux fusil (qui n’a pas d’autre rapport que la période et l’horreur de la conclusion), Le jardin des Finzi-Contini commence par des images de bicyclettes heureuses, et, d’emblée, on sent bien que ce bonheur-là est menacé et ambigu : fort bien ! mais pour sentir ce que ce monde perd, on peut montrer un peu davantage ce qu’il a…
Il y avait une grande difficulté aussi, à maîtriser dans un espace de temps aussi restreint un entrelacs de tragédies : la tragédie historique, l’infamie de la persécution des Juifs, la tragédie amoureuse, celle de l’amour désespérant que porte Giorgio à Micol, la tragédie ambiguë de la vie et de la mort d’Alberto (Helmut Berger), ses étranges rapports avec sa sœur Micol, sa maladie de langueur et sa mort : je ne suis pas persuadé que les fils de ces trois orientations, qui s’entre-nouent et se croisent forment, en bout de compte, une trame lisse et cohérente.
Ces choses dites, je ne voudrais pas que l’on croie que j’ai boudé mon plaisir devant la qualité de la réalisation, l’extrême précision du jeu des acteurs, la force du récit : marquer quelques réticences sur un beau, un très beau film, c’est encore l’aimer beaucoup.