L’apprentissage.
Georges Lautner commençait alors modestement une carrière qui allait le conduire aux plus hauts succès populaires, à bien juste titre. Mais enfin, après deux ou trois films à orientation dramatique (Marche ou crève, Arrêtez les tambours), les producteurs ne lui faisaient pas encore assez confiance pour lui confier mieux que l’adaptation d’un roman emberlificoté du Colonel Rémy, héros de la Résistance, qui évoquait un complot nazi quinze ans après la Libération.
On apprend dans le bref, mais intéressant supplément du DVD, que
Paul Meurisse, qui avait un peu légèrement signé un contrat pour incarner Théobald Dromard, le
Monocle, agent des services secrets français et qui était mécontent de son rôle, a, de sa propre initiative décidé de jouer un personnage en complet décalage, dont l’allure, le vêtement, le chapeau, la diction, la façon de tenir son arme et de tirer seraient tout à fait incongrus. Et
Lautner, qui n’attachait pas une grande importance à son film, a laissé faire son acteur.

Heureuse inspiration sans laquelle nous n’aurions pas eu ensuite ces deux petits bijoux que sont
L’œil du monocle (1962) et (surtout)
Le monocle rit jaune (1964), délicieuses parodies des films d’espionnage qui faisaient alors florès. C’est le succès des deux premier
opus qui, paraît-il a permis le triomphe des
Tontons flingueurs et des
Barbouzes. Grâces soient rendues à l’inspiration de
Meurisse.

Car si on en était resté au
Monocle noir, qui ne vaut pas tripette et qui mériterait d’être oublié, s’il n’était pas le soubassement de cette brève série, on n’aurait sûrement pas conservé dans les mémoires collectives la silhouette raffinée et incongrue du Commandant Dromard et la gloire de
Paul Meurisse en serait moins éclatante. À lui seul il permet de supporter les invraisemblances foutraques et finalement fort ennuyeuses de cette histoire de complot néo-nazi fomenté par une camarilla internationale. Au centre du dispositif, le marquis de Villemaur, incarné par
Pierre Blanchar qui fut – c’est rigolo de le rappeler – peut-être un grand résistant, mais surtout un redoutable épurateur, prompt à écarter des écrans ses camarades qui avaient eu le malheur de continuer à tourner pendant la guerre. Il y a aussi le
Commendatore italien Brozzi (
Nico Pepe) et un Allemand Heinrich von March (
Gérard Buhr) du mauvais côté du complot.

Et de l’autre, Dromard, le
Monocle, d’abord infiltré dans le groupe comploteur et jouant l’aveugle, un agent russe qui se fait aussi passer pour nazi, Mathias Fischer (
Lutz Gabor) et une piquante Allemande toute dévouée aux idéaux démocratiques, Erika Murger (
Elga Andersen). Dromard est assisté du fidèle adjudant Trochu (
Jacques Marin) comme il le sera du sergent Poussin (
Robert Dalban) dans les deux autres films. Il y a aussi la toujours gracieuse (mais là peu mise en valeur)
Marie Dubois et
Albert Rémy qui est rarement décevant ; je suis moins amateur de
Jacques Dufilho quand il reprend l’esprit d’un de ses sketchs célèbres (
La visite du château), mais lui aussi faisait sûrement une pige. J’allais presque oublier
Bernard Blier, inégal.
Le film n’est ni rythmé, ni drôle, ni inquiétant, les dialogues sont très ternes, hors rares moments, le scénario traité avec une désinvolture rare. Il fallait bien du discernement en 1961 pour imaginer qu’il puisse y avoir une suite. Alors, deux !
This entry was posted on vendredi, juin 24th, 2016 at 22:45 and is filed under Chroniques de films. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed.
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