Qui sème le vent…
Les réactions sont extrêmement contrastées sur ce dernier opus de la série, certains le portant aux nues, d’autres estimant qu’il ne vaut pas tripette et que les aventures de la famille Corléone commencent à fatiguer…. Tout en partageant plutôt ce dernier avis, je ne me suis pas ennuyé une minute à la vision du Parrain 3, alors que le deuxième épisode m’avait laissé perplexe.
Je ne me suis pas ennuyé, parce que c’est très bien filmé par le roublard Coppola, qui s’appuie sur un scénario solide, des acteurs éprouvés et un sens du rythme qui couvre toutes les anomalies et invraisemblances du récit. Je n’ai pourtant plus retrouvé la rigueur glacée du premier Parrain mais simplement un excellent film d’action, plein de péripéties, de coups de feu, de personnages attachants ou insupportables, mais en aucun cas à même de demeurer dans la mémoire collective s’ils n’étaient au long des films devenues des silhouettes familières.
C’est bien, c’est très bien même mais alors qu’on aura du mal à se débarrasser des séquences fortes et de la sensation gluante d’enfermement du premier épisode, on regarde l’avancement des drames qui vont évidemment survenir dans Le parrain 3 avec un détachement à peu près complet. D’autant que, surenchère oblige, on est obligé de toucher à des perspectives et institutions qui dépassent un peu le propos.
Il est toujours assez séducteur et complaisant de s’attaquer aux prétendus secrets des Grands de ce monde et de faire affluer les diverses théories du complot qui envahissent périodiquement le paysage ; la mort rapide du Pape Jean-Paul Ier (Cardinal Luciani, et non Cardinal Lamberto – Mel Ferrer) a nourri de nombreuses théories de complot, notamment chez les ultra-intégristes, et parle toujours aux oreilles de ceux qui voient une main cachée et maléfique dans le moindre événement.
Le parrain 3 ne se refuse aucune complaisance et les vingt dernières minutes, où les cadavres s’accumulent comme dans un Grand Guignol majuscule, ne sont pas exemptes de cette facilité. Comme Coppola en était à atteindre la dernière heure du dernier film, il n’a pas mégoté sur les tranchages de nœuds gordiens, faisant disparaître, dans un montage parallèle extrêmement bien conduit, une kyrielle de protagonistes majeurs ou secondaires. Et cela pour arriver à la dernière image, celle de Michael (toujours Al Pacino) méditant, seul, puis s’effondrant, seul, dans le jardin desséché de sa maison sicilienne. Dernière séquence enveloppée par la musique de l’Intermezzo de Cavaleria rusticana, musique qui, assez drôlement, fait, elle, l’ouverture de Raging bull de Martin Scorsese.
Mais toutes les modalités de l’hécatombe finale ne sont pas du même niveau : parfaites sont celles de l’assassinat des deux jumeaux porte-flingue protecteurs de Michael, celles de la mort « par substitution » de la jeune Mary ; mais un peu ridicule le zigouillage de l’affreux Lucchesi (Enzo Robutti) avec ses propres lunettes et très ridicule l’assassinat de l’archevêque Gilday (Donal Donnelly) qui monte un escalier sans fin en habits sacerdotaux, est guetté par un tueur entré là on ne sait comment, est abattu puis précipité dans le vide… Bon, ça n’enlève pas les grandes qualités de mise en scène, lors du long épisode dans le théâtre ou de l’assassinat de Joe Zasa (Joe Mantegna) lors de la fête corporative sicilienne (qui fait un peu songer à la fête analogue, dans le quartier chinois, cette fois, de L’année du dragon de Michael Cimino : décidément, les Italo-Américains ont des références et pulsions communes…).
Ai-je eu raison, finalement, de regarder en continuité les presque 9 heures de cette impressionnante fable qui, comme tous les récits de cet ordre va de l’ascension à la chute (au désastre, plutôt) en passant par l’apogée ? Je n’en sais trop rien. De la persistance de mon souvenir dépendra la réponse…