J’avais conservé de la projection et d’une première vision DVD le souvenir que ce troisième volet de la série était du niveau du premier, La communauté de l’anneau et meilleur que le deuxième, Les deux tours. Nouveau regard, ou lassitude ? J’ai trouvé que c’était un peu long et dispersé et ma note chiffrée s’en ressent.
Un peu long ? Oui, 201 minutes contre 180 pour les autres ; ce n’est pas énorme mais ça se ressent. Et surtout dispersé, éparpillé entre plusieurs intrigues qui ne se rejoignent qu’à la fin ; c’est un reproche qu’on pouvait, évidemment, faire aux Deux tours, mais qui me semble plus approprié encore pour Le retour du Roi. Je ne dis pas qu’il n’y ait pas d’intérêt à faire alterner les images diurnes violentes du siège et de la défense acharnée de Minas Tirith aux côtés de Gandalf (Ian McKellen) et de Pippin (Billy Boyd) et les images nocturnes et angoissantes du long cheminement de Frodon (Elijah Wood) et de Sam (Sean Astin) sous la conduite vicieuse de Gollum (Andy Serkis). Mais à un moment donné, tout éclate en feu d’artifice dont on n’a qu’à peine le temps de saisir les éclats : en même temps que le Gondor combat contre les armées de Sauron, l’Intendant Denethor (John Noble) fait préparer le bûcher de son fils Faramir (David Wenham), les cavaliers du Rohan se rassemblent et Frodon est paralysé par l’araignée géante. L’attention saute sans trop de difficulté des uns aux autres, mais on voit la trame du procédé.
Plus de neuf heures de film en version cinéma, des élagages nombreux et nécessaires (Tom Bombadil) mais malgré tout Peter Jackson ne parvient pas à caser tout le matériel qu’il a en magasin. Comme il était difficile d’adapter en tétralogie la trilogie de Tolkien, il a multiplié les ellipses, rendant souvent mal compréhensibles certains épisodes. Il est vraisemblable que les versions longues disponibles éclairent certains aspects un peu obscurs, mais enfin les trois films étaient tout de même essentiellement destinés à la projection dans les cinémas, les scènes retranchées ne devant pas impacter trop profondément le déroulement du récit. Et dans l’ultime film de la série, Jackson doit caser tout ce qui reste. D’où la durée, d’où les scènes qui n’ont pas trop de rapport avec la chair du film (par exemple l’histoire d’amour entre Aragorn et Arwen (Liv Tyler) qui apparaît comme un raccroc), d’où l’impression de fourre-tout que donne Le retour du Roi.
Cela dit, c’est tout de même magnifique, d’une inventivité visuelle confondante, d’une virtuosité dont il n’y a pas beaucoup d’exemples, souvent d’une immense beauté (la demeure des Elfes, la cité de Minas Tirith et, d’une certaine façon, la montagne venteuse maléfique). Et puis la noblesse des relations humaines entre les personnages, la beauté de la pensée de Tolkien sur la légitimité, le respect des serments, la foi vouée. Aragorn est sacré, religieusement, par Gandalf : Oint du seigneur, il devient l’intermédiaire entre le Ciel et la Terre. On se croirait à Reims, au baptême de Clovis, en 496…