Ce n’est évidemment pas un Risi majeur, de l’extrême qualité du Fanfaron, de Une vie difficile, de Parfum de femme, mais c’est rudement bien et, en 1955, ça augurait de la suite : déjà la même capacité à briser les codes, à rendre sympathiques les fripouilles pour mieux les montrer dans leur absolue médiocrité, à poser un regard sans méchanceté, mais sans apitoiement sur les vacheries du monde…
Terrible injustice de la beauté, terrible infériorité des femmes confrontées à l’égoïsme, à la veulerie de mecs pleutres, ou mesquins, ou hâbleurs, lâches, parcimonieux, capables et coupables de tout…
Aux côtés de sa cousine Agnese (l’alors toute jeune Sophia Loren, carrossée comme une Maserati et assez gourde) chez qui elle loge, le pauvre grillon moche Cesira (Franca Valeri, absolument remarquable), dactylo à façon dans un assez curieux centre commercial qui a tout du caravansérail, attend de toutes ses forces un homme ou plutôt un mari, ce qui est la moindre des choses dans l’Italie des années Cinquante… Le malheur est que tous les types qu’elle croise, outre d’être bien davantage fascinés par la belle cousine, sont des médiocres qui la grugent, l’exploitent et la dupent…
Le signe de Vénus est pourtant bien loin d’être un mélodrame du traditionnel type Séduite et abandonnée ; d’abord parce que Césira n’attend pas forcément l’amour, suffisamment lucide pour n’être pas tout à fait romanesque ; ensuite parce que les mâles qu’elle croise ne sont pas de vrais salauds, mais plus simplement des hommes banals, minuscules de lâcheté mais bien incapables de cruauté volontaire…
La cruauté est dans les choses, dans les regards qui, dès que les deux cousines sont ensemble se posent inévitablement sur Agnese, dans les calculs intéressés – mais si évidemment compréhensibles – qui font que la brave Césira se fait toujours avoir ; et d’ailleurs Césira croit-elle elle-même que son destin puisse s’arranger, y compris à la fin lorsqu’il lui paraît encore possible de partir, de faire sa vie avec le bravache Alessio (Vittorio De Sica, séduisant et crapuleux comme il peut l’être !) et qu’elle donne en cadeau à Agnese le voile de dentelle qu’elle s’était acheté pour son propre mariage ?…
Le pire étant qu’il n’y a aucune raison que ça s’arrête jamais, comme les dernières images du film et sa morale rude en attestent ; Césira, trahie par Alessio, monte, comme chaque jour que Dieu fait dans l’autobus qui la conduit à son boulot obscur, avec les mêmes voyageurs, les mêmes plaisanteries stupides… Toujours la même histoire !… les derniers mots du film…
Si Sophia Loren se contente d’être, comme son rôle, d’ailleurs, le veut, une belle potiche, Franca Valeri m’est une révélation, tout comme Tina Pica, tante italienne comme on en rêve ; la qualité des acteurs masculins est excellente et très homogène : superbe De Sica, étourdissant Sordi (dans un rôle un peu bref), excellent Peppino De Filippo, séduisant Raf Vallone : assemblée de grands acteurs qui jouent, tous, des rôles de médiocres !
La comédie à l’italienne va bientôt commencer…