Le signe du lion

Paris, été 59…

Le premier long métrage d’Eric Rohmer laisse présager déjà, en 1959, ce cinéma atypique, qui n’est , bien sûr, ni traditionnel, ni vraiment nouvelle vague, un peu comme celui d’Agnès Varda ; d’ailleurs, l’errance de Pierre, parasite léger et généreux, dans un Paris très bien filmé n’est pas sans rappeler, sur un autre registre l’errance de Cléo de 5 à 7, deux ans plus tard…

Le signe du lion pourrait presque arriver à ce niveau s’il n’était pollué par l’invraisemblance de l’anecdote, cette histoire d’héritage espéré, tombé du ciel, perdu et retrouvé qui est trop artificielle pour accrocher l’attention ; sans doute cette maladresse de construction est-elle le fait d’un premier film, mais elle agace passablement, en détournant l’attention de ce qui est vraiment la plus belle qualité du film, la capacité à capter le temps qui passe, la brûlure de l’été, la solitude d’un Paris déserté par les amis en vacances, la faim, l’isolement, les pavés mouillés de Saint-Germain des Prés à l’aube, les grands arbres le long des quais de Seine…

Des errances dans Paris, Paris toujours reconnaissable et toujours nouveau, il n’y en a pas tant que ça, il me semble, dans le cinéma français, à part celle de Cléo et celle de Florence (Jeanne Moreau) dans Ascenseur pour l’échafaud ; dans ce film-là, il y a aussi Maurice Ronet, Alain Leroy du Feu follet, dont le périmètre de dévastation est précisément le même, à peu de choses près que celui de Pierre Wesselrin (Jess Hahn) du Signe du lion

Car, et c’est là une chose extraordinaire, par la grande magie du talent d’Eric Rohmer, Jess Hahn, qui fut confiné toute sa carrière dans des rôles de lourdaud musclé, Étasunien forcément balourd, trouve, sinon de la grâce, du moins de l’épaisseur et, malgré un scénario un peu faible, tire très largement son épingle du jeu en dilettante touché par la mouise…

On s’amusera à reconnaître, parmi les visages qui allaient dans la décennie suivante se faire connaître, outre Jean-Luc Godard, dans un rôle aussi emmerdant que le sont ses films, un bien jeune Paul Crauchet, une séduisante Stéphane Audran dans un rôle ingrat, une piquante Macha Méril, Marie Dubois aux yeux qui pétillent… Et la seule qui est vraiment en haut de l’affiche, c’est Michèle Girardon, la délicieuse Brandy d’Hatari, morte bien trop jeune, à 37 ans, et vraiment délicieuse…

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