À l’usage des patronages d’antan.
C’est vraiment très, très difficile de faire passer à l’écran ce que peut être la ‘’Sainteté’’ ; très difficile de montrer, même de loin, cette grâce incroyable, de la faire entrevoir. Je ne connais guère que Thérèse, le merveilleux film d’Alain Cavalier qui s’en approche. Aussi, comme on ne peut pas vraiment représenter la Sainteté, on tente de s’en approcher, à travers les vies de saints, qui sont plus anecdotiques. Certaines sont réussies, même davantage : Le chant de Bernadette d’Henry King (1943), Monsieur Vincent de Maurice Cloche (1947) ou Hiver 54; l’abbé Pierre de Denis Amar, Mais il y a aussi tant d’autres nullités comme Miracle à Cupertino d’Edward Dmytryk et tant d’autres sulpicionnaiseries. Le bon peuple demande généralement des gentillesses melliflues, rarement la dureté fouettante de la Foi.
Le Curé d’Ars, Jean-Marie Vianney a été une des plus grandes figures de l’ecclésiologie des deux derniers siècles : un brave homme de curé qui a tant et tant fasciné des foules qu’il a réalisé dans cette petite paroisse d’Ars, en pleine terre de Bresse, un point de fixation qui rallie encore chaque année 500.000 pèlerins. En voilà encore un de mystère !…Comment peut-on aller s’incliner devant la dépouille d’un homme mort en 1859, qui prêchait la repentance, la rigueur, l’austérité des mœurs, la réserve sur tous les plaisirs de la vie ? Mais qui, pourtant attirait des foules de plus en plus immenses, recevait de donateurs de plus en plus nombreux des sommes folles qu’il consacrait à l’éducation gratuite des jeunes filles ou qu’il distribuait aux pauvres qu’il aimait plus que tout et à qui il réservait toute son attention ?
Tout cela – j’y reviens – est mystère. Et c’est précisément cela qu’on peut reprocher au film bien banal et bien médiocre de Marcel Blistène. Film exclusivement ancré sur l’anecdote, sur les conflits qui surgissent entre le clerc et les survivants des persécuteurs révolutionnaires. Lorsque Jean-Marie Vianney, en 1818, après de bien médiocres études, arrive à Ars, le village apparaît comme tout à fait insouciant. Il compte ses esprits forts : le rude paysan Ruffin (Alexandre Rignault), le cabaretier Georges Malray (Daniel Ivernel) et sa femme Benoîte (Dora Doll) ; surtout le forgeron Sanson (Alfred Adam), chef de file des révolutionnaires. Vianney va peu à peu conquérir les âmes, par sa ferveur, son humilité, sa douceur. Peu à peu les habitants se convertissent.
Mais tout cela est présenté de façon très artificielle, très superficielle ; Marcel Blistène privilégie l’anecdote, l’historiette, les petites médiocrités, au point qu’on arrive quelquefois à se sentir dans Clochemerle ou dans Le petit monde Don Camillo et cela sans l’humour, la chaleur, la gaieté et sans esprit aucun. C’est vraiment d’une médiocrité extraordinaire et le réalisateur ne parvient pas même à faire percevoir les angoisses et les terreurs de Jean-Marie Vianney, aux prises avec la malignité du Démon.Le film est plan-plan, avec des méchancetés de village, des haines recuites, des jalousies médiocres. C’est un film maigre, si je puis dire. Si l’on a la curiosité de regarder la notice de Wikipédia consacrée au Curé d’Ars, on verra la richesse du long ministère, l’accumulation des controverses et des difficultés rencontrées… Tout cela n’est en rien montré dans Le sorcier du ciel.
Il est vrai que le réalisateur n’est pas servi par la distribution : choisir comme personnage principal le falot Georges Rollin, qui est l’insignifiant Goupi-Monsieur, tête-à-claques de Goupi mains rouges,puis – mais qu’on peut se demander comment Robert Vernay en 1943 a pu lui confier le rôle de »Rastignac’’ dans Le Père Goriot qui me semble un peu écrasant pour ses frêles épaules. Daniel Ivernel en cabaretier est insignifiant, comme Dora Doll qu’on connaîtra plus piquante. Le meilleur est Alfred Adam, bouffeur de curés fanatique, touché par la Grâce devant le lit de mort du pauvre prêtre. Mais c’est vraiment de la petite, petite série.