Papillon d’amour.
Sans le porter aux nues (assez loin de ça) je ne me suis pas ennuyé en regardant Le vampire a soif, nourri de pelouses anglaises bien taillées et de personnages – maîtres et serviteurs – extrêmement bien élevés (ce qui est merveilleusement reposant, dans les temps barbares que nous vivons). Cela dit, il est nécessaire de prendre garde au titre racoleur et d’imaginer qu’interviendront dans le cours du film les démoniaques buveurs de sang maudits dont tous les amateurs sont férus. Il y a une certaine originalité, qui mixe plusieurs mythes ou orientations, qui est un peu traitée par dessous la jambe mais qui a le mérite de renouveler un tout petit peu le discours obligé.
Tout cela se passe, comme de juste, dans les belles années de l’Angleterre victorienne, époque éclatante de la frustration sexuelle et de l‘understatement. Chacun des personnages reste à sa place, dans une grande déférence vis-à-vis de l’ordre social. Voilà qui rassure le vieux conservateur que je suis en train de devenir. Et naturellement, une entorse à ce précieux ordre social entraîne certains bouleversements. Mais aucun d’entre eux n’est susceptible d’ébranler la force des choses. Comme le constatent, à la fin de l’aventure, l’Inspecteur de police Queunell (Peter Cushing) et son adjoint le Sergent Alian (Glynn Edwards), jamais Scotland Yard ne croira possible cette histoire ; et, de fait, on ne lui en parlera pas.
En fait ce qui se rapproche le plus du Vampire a soif, c’est, finalement Frankenstein. C’est à la fin du 19ème siècle que le prométhéisme scientiste a connu ses plus beaux moments, cette certitude rationaliste qui prétendait dompter la Nature et réaliser toutes les billevesées possibles ; ce qui n’est, au demeurant, pas très différent de ce à quoi les illuminés d’aujourd’hui voudraient parvenir avec leur homme augmenté.
Dans le film de Vernon Sewell, c’est encore plus bizarre : un entomologiste, le docteur Carl Mallinger (Robert Flemyng) a entrepris de créer un être humain à partir d’un lépidoptère méridional qui se nourrit habituellement de sang humain. Il y a partiellement réussi et celle qu’il présente pour sa fille, Clare (Wanda Ventham), charmante gourgandine, est en fait un papillon vorace et qui revient à son état premier de suceur de sang et de fractureur de boîte crânienne de temps en temps. Et ceci au détriment de beaux et robustes jeunes gens, des scientifiques souvent, qui gravitent autour du distingué éminent professeur.
Les cadavres s’accumulant par trop dans le paisible comté britannique où se situe l’intrigue, l’Inspecteur Queunell (Peter Cushing), fin limier à belle allure, mène l’enquête. Et ce qui est le meilleur du film, c’est la façon dont les révélations interviennent ; si l’on comprend assez vite que le docteur Mallinger est une canaille impliquée dans les meurtres qui se succèdent, les autres ramifications du récit ne se dévoilent que graduellement et – si féru et habitué qu’on est soi-même à toutes les ficelles du cinéma d’épouvante – on est heureusement surpris par les séquences finales.
Ou, à tout le moins, aux quelques coups de théâtre qu’elles recèlent. Malheureusement, la réalisation est d’une telle médiocrité, les interprètes – Cushing excepté – si insignifiants, les effets spéciaux si laidement artisanaux et le rythme du film si routinier qu’on ne peut pas en dire du bien. Un peu de sang, quelques séquences assez vibrantes dans des crépuscules forestiers, l’élégance des tenues victoriennes mais bien des invraisemblances et des lourdeurs qui plombent sérieusement un film très oubliable.