L’Homme a du génie.
Merveilleux temps où l’Homme croyait à son avenir et à son génie, où il savait qu’il avait des ressources ! Aujourd’hui où il se réfugie frileusement derrière le principe de précaution (celui qui aurait susurré à l’oreille de Christophe Colomb de ne surtout pas se risquer à partir chercher vers l’ouest les Indes occidentales), aujourd’hui où le moindre incident dans une usine, une centrale, un avion suffit à déclencher des terreurs hystériques, ce genre de film glorieux, optimiste et décidé n’aurait pas droit de cité…
Invraisemblable distance vintage entre la grisante utopie performante de la miniaturisation (jusqu’aux dimensions d’un microbe) et la physionomie ringarde des appareils qui la permettent (ordinateurs, moniteurs de télévision, projecteurs de diapositives… jusqu’aux ceintures de sécurité) : c’est presque un peu ce qu’on ressent lorsque l’on regarde les gravures qui accompagnent, dans les belles éditions Hetzel, les romans les plus innovants du grand Jules Verne : une indifférence absolue aux contingences immédiates et une complète confiance en l’avenir. Confiance qui ne va pas, d’ailleurs, sans bonne conscience : ainsi voit-on travailler la main dans la main militaires, savants et médecins étasuniens unis dans une lutte sans merci contre l’Empire du Mal (innomé, mais évidemment reconnaissable).
Et en plus, c’est drôlement bien fait, avec un sens pédagogique remarquable : le genre de films qui présente les merveilles du corps humain avec intelligence et subtilité, dans une intrigue maligne où chaque péripétie donne l’occasion d’aller visiter une nouvelle région de l’organisme et d’apprendre au spectateur ébloui une nouvelle subtilité et un nouveau détail sur notre extraordinaire machine.
C’est naturellement là qu’est le meilleur du film, et, d’ailleurs son seul intérêt. Car les manigances destinées à faire échouer la mission n’ont pas d’autre but que de compliquer un peu l’histoire et on voit bien trop rapidement que le méchant traître n’est pas le docteur Duval (Arthur Kennedy), qui était initialement suspecté, mais le docteur Michaels (Donald Pleasence, qui excelle dans les rôles de faux derche) ; ceci ressemble à On a marché sur la lune où Tintin découvre que la mission est sabotée par le colonel Boris (à la différence importante que celui-ci est demeuré caché pendant une partie du voyage).
Les décors du film sont extrêmement significatifs de la fin des années Soixante : fonctionnalisme minimaliste de la base secrète (comme dans les James Bond de l’époque, ou les Flint, ou dans Modesty Blaise) et psychédélisme délirant aux teintes violines accentuées dont même 2001 – lors du voyage au delà du système solaire – n’est pas exempt.
Je me suis, en tout cas, bien régalé en revoyant ce film qui n’est pas qu’un voyage pédagogique. Et puis y a-t-il mort plus incongrue que celle qui consiste à être dévoré par un globule blanc, comme le méchant Docteur Michaels ?