Les affranchis

Je n’ai jamais voulu être un gangster

J’ai, tout à l’heure regardé ces affranchis dont je ne connaissais rien. Qu’en dire ? C’est bien et je ne suis nullement déçu d’avoir passé là deux heures et demie de mon après-midi ! Malgré la durée du film, sans doute un peu excessive, on ne s’y ennuie pas une seule seconde, tant c’est brillamment conté.

J’ai été emballé, aussi, par la musique – qui est pratiquement continue… en tout cas c’est ainsi que je l’ai perçue – et qui, composée d’excellents standards, ponctue et illustre à merveille le déroulement de l’action. Et puis la distribution est remarquable, Robert De Niro en tête…

Qu’est-ce qui me retient, pour autant de trépigner d’aise et de classer ce film parmi ceux qui me tiennent le plus à cœur ? L’étrangeté, sans doute… l’impossibilité de m’identifier en quoi que ce soit avec ces gens et ce monde…

Mon côté terriblement franchouillard, en fin de compte ? Sans doute… J’avais déjà senti ce clivage peu surmontable avec le Scarface de Brian De Palma : je ne peux pas davantage concevoir une seconde le mode de fonctionnement de Tony Montana que celui de Jimmy Conway, sans doute par méconnaissance totale de l’Amérique, de ses mythes et de ses légendes.

Méconnaissance…ou plutôt, peut-être indifférence ; sans doute l’affirmation est-elle excessive, parcellaire, abusive aussi. Tout inconscient de cinéphile s’est forcément forgé avec la Guerre de Sécession, les westerns, la prohibition. Je ne renie pas cette filiation, sans pour autant l’adopter complètement…

En fait, tout ça est bien loin, et bien étrange…

Une nouvelle vision des Affranchis m’incline à modifier substantiellement l’opinion assez hâtive formulée il y a quelques années. À tout le moins à ne plus juger le film seulement pour l’antipathie agacée qu’on peut ressentir pour les canailles qui y étalent leur barbarie, leur cruauté, leurs manigances et leur fascination absolue pour l’argent. Mais à admirer le talent bluffant avec quoi Martin Scorsese parvient à faire entrer le spectateur dans les replis d’histoires compliquées et à donner de la vie des gangsters une projection presque documentaire. Cela jusque dans une composition et un montage savants, hachés comme l’est leur vie brutale, frénétique, toute tournée vers l’immédiateté et la satisfaction sans frein, quasi orgasmique des moindres désirs.

Et aussi leur monde compliqué, aussi méticuleusement régenté que le nôtre, hérissé de codifications à quoi il ne faut pas déroger. Si ce n’est que chez eux la punition est rigoureuse et le châtiment immédiat.

De là à dire que nous avons beaucoup à apprendre d’eux…


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