Le nom de Stanislas-André Steeman devrait être révéré beaucoup plus qu’il ne l’est par les amateurs de cinéma, parce que, derrière le génial et inatteignable Georges Simenon, il a été un des plus excellents pourvoyeurs d’histoires à tonalité policière qui se puisse. Et donc que beaucoup d’adaptateurs, de scénaristes, de metteurs en scène se sont jetés sur ses romans nourris d’histoires policières ingénieuses et intelligentes. Mais comme toujours dans le genre, au cinéma, c’est bien moins la qualité du récit ou son originalité qui fait pièce que la patte du réalisateur qui rend – ou non – l’histoire passionnante et le film de haut niveau.
Évidemment, au sommet de la pyramide, il y a les deux merveilles de Henri-Georges Clouzot, qu’on ne regarde jamais sans une intense jubilation, L’assassin habite au 21 en 1942, Quai des Orfèvres en 1947. Insurpassables, bien sûr. Mais, un peu avant, il y a Le dernier des six de Georges Lacombe en 1941, un peu après il y a Le furet de Raymond Leboursier en 1949. Et tout ceci (Quai des Orfèvres excepté) avec en vedette le fameux commissaire Wens – c’est-à-dire Wenceslas Vorobeïtchik, interprété par Pierre Fresnay dans les deux premiers opus, par l’assez mièvre Pierre Jourdan dans Le furet. Plus tard, dans Mystère à Shanghai de Roger Blanc, dans un des sketches de Brelan d’as d’Henri Verneuil et dans Que personne ne sorte d’Ivan Govar, Wens sera interprété par respectivement Maurice Teynac, Raymond Rouleau et Philippe Nicaud.
Voilà que je découvre ces Atouts de M. Wens de l’inconnu Émile-Georges De Meyst avec l’encore davantage inconnu Werner Degan en incarnation du célèbre policier. Qu’en dire ? Ce n’est pas désagréable, ça se laisse suivre sans ennui, ça se ficelle sur une intrigue ingénieuse mais que les habitués des récits policiers décryptent assez vite, sans être surpris le moins du monde lorsque sont confirmées leurs intuitions ; on ne s’étonne même pas de voir l’inspecteur Wens instrumenter à Anvers et non à Paris, comme les autres histoires du policier, qui se déroulent en France.
Que voit-on, en fait ? Une complication assez farfelue qui met en scène le clivage entre deux frères, Julien et Frédéric Dolo (Louis Salou), le premier étant prospère diamantaire belge, le second une arsouille. Un mauvais garçon que l’on pensait disparu au Congo et qui resurgit bien opportunément sur le devant de la scène au moment même où on a besoin de sa présence pour disculper son frère, attaqué par la presse et l’opinion publique au moment où il aspire à des fonctions électives et qu’il est accusé d’avoir réglé son compte à Frédéric dix ans auparavant. Le retour du disparu, retrouvé par Wens à la demande d’Isabelle Dolo (Marie Déa), épouse amoureuse de Julien, paraît régler la question.
Le malheur est que Frédéric, le frère recouvré, est vraiment de la mauvaise graine et passe son temps dans les bistrots louches à fréquenter des pas grand chose. Notamment Jeff (Georges Jamin), souteneur de Lily (Viviane Chantel) et la petite marchande de fleurs Jeannette (Claudine Dupuis) ; et qu’il n’est pas bien bon, pour la réputation du notable Julien que son frère Frédéric se comporte comme un rastaquouère. Il faut donc l’écarter.
Je passe sur les péripéties adventices et sur la résolution par Wens des diverses énigmes ; l’ennui est que tout ça n’est pas très convaincant et que si Louis Salou donne une bonne mesure de son grand talent trouble, l’Inspecteur, interprété par Werner Degan, qui n’a pas laissé la moindre trace, ne fait pas le poids alors même que le genre oblige à une confrontation puissante entre les deux camps. Cela étant, ce n’est pas un film dégradant ou ridicule : c’est simplement un film modeste qui ne laissera – qui n’a pas laissé – grande trace dans le paysage…