Chiens perdus sans collier.
Comme tout le monde (enfin comme tous les gens que je connais), j’ai adoré Les bronzés et Les bronzés font du ski. Il va de soi que ne place pas les deux films au sommet de la création artistique mais parce que ces comédies populaires et au succès jamais démenti, outre le témoignage qu’ils représentaient des mœurs, usages et coutumes d’une génération, étaient drôles, sans mauvais goût (ou presque), riches en répliques hilarantes et en personnages drôlement typés.
Mais je ne suis pas allé voir Les Bronzés 3 : Amis pour la vie et j’ai attendu sa sortie à la télévision qui m’a confirmé ce dont j’étais certain, malgré ma vive sympathie pour le fréquent talent de Patrice Leconte et celui de la plupart des acteurs, dont certains ont conduit ensuite une belle carrière. Et dès le générique, en entendant la musique, complétement ratée alors que celle des autres films était une réussite parfaite, j’ai compris que ce serait affligeant, parce que l’on ne rattrape pas le temps qui passe.
Ce troisième opus est effectivement triste, accablant, même. Et il confine souvent au dégradant, ce qui est insupportable quand il s’agit de gens qu’on aime bien.
En fait, je crois que le succès des deux premiers volets était dû, en grande partie, à l’absence totale de scénario, ou plutôt d’intrigue. Il y avait une suite, une collection de sketches, de niveau inégal, mais souvent très percutants qui, par leur amoncellement et leur vitesse propre, donnaient du rythme à l’image et permettaient d’en oublier les insuffisances. À partir du moment où l’on est bien obligé de plaquer un récit sur des protagonistes disparus vingt cinq auparavant, tout fiche le camp, parce qu’il n’y a plus aucune crédibilité : les images archétypales peinent à s’ancrer dans des personnages, qui révèlent alors leur manque de profondeur.
Dommage ! Parce que l’idée n’était pas, en soi, mauvaise mais simplement impossible à réaliser. Il est déjà merveilleux et rare que, d’un même sujet, ou dans un même esprit, on tire deux films de qualité identique (Un éléphant ça trompe énormément/Nous irons tous au Paradis, La gloire de mon père/Le château de ma mère, les deux premiers Don Camillo, Papa, maman, la bonne et moi/Papa, maman, ma femme et moi, et quelques autres sûrement. Mais j’ai bien peu d’exemples d’un troisième film du même niveau : ainsi, La Malédiction, c’est remarquable, Damien, la Malédiction II tout autant, mais La malédiction finale est risible… Le déclin de l’empire américain et Les invasions barbares se tiennent par la barbichette, mais L’âge des ténèbres est, paraît-il, nul… Je ne dis pas que c’est une règle, mais c’est une constante…
Michel Blanc – qui est, de toute l’équipe, celui qui a eu la carrière la plus exigeante et la plus forte – a eu une réaction saine et justifiée puisqu’il a déclaré avoir honte de voir son nom au générique.
Si l’on veut voir les choses en rose, on peut se réjouir que Les bronzés 3 aient été un très grand succès public, puisqu’il a ainsi permis de financer de nouvelles créations. Si on a l’humeur plus sombre, ce qui est généralement mon cas, on se navre de ce goût des braves spectateurs pour les conneries et on se dit que de toute façon la manne financière ainsi versée a contribué à alimenter un système qui se mort la queue et permet de produire de plus en plus de très mauvais films.