Production courante.
Richard Pottier a été mieux inspiré de faire appel à Charles Spaak pour Les caves du Majestic qu’il ne l’avait été de confier à Jean-Paul Le Chanois l’adaptation de l’abominable Picpus, tourné avec le même Albert Préjean dans le rôle de Maigret deux ans auparavant : le film n’a rien de dégradant, même s’il n’est pas tout à fait exempt de ridicule à certains instants.
C’est qu’on n’adapte pas Simenon comme ça, en se croyant fidèle au romancier lorsque l’on révèle habilement (!) à la dernière séquence le nom du véritable coupable. Maigret, je l’ai dit et redit, ce n’est pas le commissaire Bourrel (Raymond Souplex) des Cinq dernières minutes qui s’écrie, en tapant son poing droit dans sa paume gauche Bon Dieu ! Mais c’est bien sûr ! quand il a identifié le meurtrier. C’est tout le contraire. Aucune adaptation des aventures du célèbre Commissaire portées à l’écran n’est d’ailleurs exempte de ce défaut de la révélation, les plus réussies y compris (celle de Delannoy avec Gabin, à mon sens). Mais celles-ci ont du moins le mérite de présenter un policier pesant, avare de paroles, rassis, sans apparents brio, ni flamme, un policier sans élégance, à cache-col et à semelles de crêpe.
Si l’on fait abstraction du personnage emblématique de Simenon, on se laisse prendre à ces Caves du Majestic, dont l’intrigue n’est pas mal conduite et qui bénéficient, surtout, d’une riche distribution (Albert Préjean et l’immonde Gabriello mis à part ; c’est dommage parce que le premier est tout de même la vedette du film). Intrigue pas mal conduite, disais-je, bien qu’elle marque avec le roman dont elle est issue des différences substantielles. Peu importe que le couple Petersen (Jean Marchat et Suzy Prim) , ne s’appelle pas Clark et ne soit pas étasunien comme dans le livre, mais suédois (ce devait être une exigence de la Continental, la Suède étant neutre durant la Guerre). Ou même que le veilleur de nuit du Majestic (interprété, chez Pottier par Georges Chamarat) ne soit pas inquiété alors que Simenon le fait zigouiller par l’assassin. Mais il est plus significatif que le jeune garçon Teddy, à l’inverse du roman, demeure avec son père nourricier Petersen alors que Simenon le redonne à son père naturel, Donge. Et, de mon souvenir, il n’y pas chez le romancier cette scène emphatique et larmoyante du dîner offert par Maigret aux deux hommes qui, l’un et l’autre, font un plaidoyer pro domo. Charles Spaak, dialoguiste habile, n’a pas résisté au plaisir de s’offrir ce morceau de bravoure qui, dans le contexte du film, est plutôt mal venu.
Comme sont mal venus et proches des procédés les plus éculés le saisissement des employés du Majestic qui, dès que Maigret les toise, en viennent à lâcher leurs assiettes de saisissement et de frousse ou le truc du Commissaire de demander au quidam qu’il interroge ce qu’est l’objet banal qu’il lui désigne, estimant qu’un esprit troublé par la pétoche amènera ledit quidam à bafouiller.
Reste un bout de reportage sur les coulisses d’un grand hôtel parisien d’antan, situé avenue Kléber et qui, après le long intermède de sa transformation en Centre de conférences internationales du quai d’Orsay, est sur le point de redevenir un palace. Restent aussi, bien sûr, Jacques Baumer, Fernand Charpin, Gabrielle Fontan… Mais ceux-là ne peuvent pas disparaître.