Exactement comme dans mon souvenir, Les copains est un très gentil film, plein d’allégresse et de verve, simplement un peu mythifié par l’excellence du sujet, la qualité des interprètes et l’incroyable succès que connut et continue à connaître Les copains d’abord chanson écrite pour l’occasion par Georges Brassens et qui n’est pourtant pas, à mes yeux, de sa meilleure veine.
Très gentil film comme le livre l’est, dans l’œuvre du très grand Jules Romains, qui a tout de même fait bien mieux, avec le féroce Knock ou l’immense paysage des Hommes de bonne volonté.
Jules Romains est Normalien, ce qui ne dit peut-être plus grand chose aujourd’hui, dans le monde de la Finance omnipotente, mais qui était une des voies les plus royales qui se puissent pour les plus brillants sujets, et qui ouvrait la porte à tout : sciences, littérature, politique, philosophie et ainsi de suite. L’École – ses rites, ses dialectes, ses contraintes, ses coutumes, sa topographie – a marqué des générations et des générations. Alain Peyrefitte, l’ancien ministre, qui en fut, a consacré sous le titre Rue d’Ulm à cette institution extraordinaire un très beau florilège de souvenirs et de morceaux choisis.
Parmi les traditions les plus fortes de Normale, il y a l’élaboration et la réalisation du canular, mot-gag, forgé d’ailleurs par les Normaliens eux-mêmes. Farce, blague énorme savamment composée, la plus compliquée possible, qui demande à ses exécutants intelligence, subtilité, culot et impertinence.
Ce long préalable posé, autant dire que le film d’ Yves Robert interprète de façon plutôt satisfaisante le petit livre tout plein de verve dont il est adapté et réussit la gageure, assez souvent, de faire sentir le grand souffle de l’outrance. Outrance qui culmine avec l’impeccable sermon de Bénin (Philippe Noiret) dans l’église d’Ambert, où, graduellement, les paroissiens interloqués sont appelés par Bénin, présenté comme un Prince de l’Église par le curé de la paroisse, au stupre et à la fornication les plus débridés. Très beau moment.
Le canular préparé par Bourdier (Pierre Mondy, impeccable) qui se fait passer pour le ministre de la Défense venu effectuer une inspection inopinée à la caserne d’infanterie est également très réussi, bien que les moyens aient un peu manqué pour représenter la panique et l’effarement des habitants. Celui de Lesueur (Jacques Balutin qui n’a pas eu très souvent l’occasion de montrer son talent), statue vivante et interpellante de Vercingétorix perturbant les notabilités d’Issoire, est le plus faible. Enfin celui de Martin (Guy Bedos, un peu pénible), qui, du côté de Venarey-lès-Laumes (site historique d’Alésia) colore la Seine en rose, il ne figure pas, je crois, dans le livre. Et surtout il me semble que dans le film, tel que je l’ai vu en 1965, et qui est en Noir et Blanc, la Seine, par un habile trucage prenait de la couleur. Le DVD n’en montre rien…
Et malgré quelques scories (l’intervention de Tsilla Chelton en aubergiste), plein d’autres bonnes choses : l’affolement de la salle de cinéma habilement perturbée par les Copains, stratégiquement répartis et, avant même le générique, l‘agglomération initiale de l’équipe et la façon dont elle s’est constituée.
Tout le monde, je pense, aimerait ainsi avoir six copains épatants et de créer une bande unie comme les sept doigts de la main (si j’ose dire…). Les copains, c’est un grand rêve d’enfant…