Le bal des ardents.
On tient généralement Les frissons de l’angoisse pour le meilleur film de Dario Argento avec Suspiria. Sans doute plus sensible aux horreurs des ténèbres magiques qu’aux plus banales épouvantes dues à des dérèglements simplement humains, je ne mettrai pas au même rang les deux films. Mais pour qui aime le genre particulier du giallo, ces Frissons sont un vrai régal, grâce aux atmosphères morbides ici et là imposées et à la grande inventivité spectaculaire des nombreux assassinats représentés. À dire le vrai je ne vois guère, pour concurrencer le film au sommet du panthéon des gialli que La baie sanglante du grand Mario Bava.
Pour qui ferait mine de l’ignorer, je rappelle que le giallo est une histoire policière terrifiante où un tueur psychotique masqué zigouille avec conscience des péronnelles souvent très déshabillées (et souvent coupables à proportion de leur dénudement : nous sommes dans l’encore vertueuse Italie des années 60 et 70) avec des instruments contondants métalliques ou, mieux encore avec tout ce qui peut lui tomber sous la main. Ce trait permet aux scénaristes de rivaliser d’imagination et d’offrir au spectateur friand de nouveautés des monstruosités étonnantes.Je recommande particulièrement, dans Les frissons de l’angoisse le meurtre du médium Helga Ulmann (Macha Méril), le cou scié par une vitre ou celui du professeur Giordani (Glauco Mauri), les dents fracassées sur l’angle d’une cheminée de marbre. C’est très original et rafraîchissant dans un genre où on tourne souvent en rond sans se renouveler.
Le grand intérêt des gialli n’est évidemment pas la résolution de l’énigme (il est rare qu’on ne soit pas déçu par la révélation finale, trop attendue, tous les coupables possibles ayant été à peu près systématiquement éliminés au cours du récit), mais, en plus de l’ingéniosité des crimes évoquée ci-avant, les atmosphères étouffantes que le réalisateur peut susciter par des lumières, un angle choquant de prise de vue, un bruit, un silence, trois notes de musique, l’effroi qu’on lit sur le visage d’un acteur et bien d’autres choses délicieuses de cet acabit. Et là, il est plaisant, dans ce cinéma, de voir la patte magistrale de Dario Argento, réalisateur majuscule d’ambiances glauques dans le choix d’une musique idéale, de décors anxiogènes (la villa du mystère, presque aussi spectaculaire que celle de La maison du diable de Robert Wise), d’objets malsains (poupées d’allure maléfique, billes d’agate, collection de couteaux).
