Les garçons et Guillaume à table

Bonne conscience.

Oui, c’est évident, c’est visible et même davantage, grâce aux médias qui lui sont vitrines et complaisances, Guillaume Gallienne a beaucoup de talent, de séduction, de charme et d’intelligence et il remplit et remplira les salles parisiennes avides d’acteurs de qualité avec qui se sentir connivent. Je ne suis pas sûr qu’il soit né à la bonne époque, le théâtre n’étant plus grand chose et le cinéma n’aimant plus beaucoup les acteurs (d’ailleurs, Gallienne est davantage un comédien qu’un acteur), mais ni lui, ni nous n’y pouvons rien : pour perpétuer sa notoriété, mieux eût valu qu’il fût concepteur de jeux vidéos ou dessinateur de super-héros à pouvoirs magiques, mais ça n’est la faute de personne si d’être sociétaire de la Comédie française n’a plus aucune espèce d’importance.

Guillaume et les garçons à table, adapté d’un spectacle théâtral à connotation autobiographique, a eu, grâce à la sympathie évidente dégagée par son auteur, un réel succès critique et public, remportant notamment plusieurs César, ce qui n’a pas d’importance, mais situe l’orientation de l’opinion dominante. Ce que j’avais lu sur le film le présentait comme un discours intéressant, intelligent, sensible, une façon subtile, drôle, nuancée, non militante de présenter un sujet sur l’identité sexuelle.

3196405741_1_8_szDzrTHWCe n’est pas que ce thème soit une préoccupation majeure des acteurs de la société réelle, plus soucieux du chômage de masse, du terrorisme et de la violence, de la désindustrialisation, du déséquilibre des échanges mondiaux, du coût exponentiel des dépenses de santé, du vieillissement de la population dans les pays développés et d’une bonne cinquantaine d’autres questions autrement primordiales. Mais enfin, entre le boulevard Saint Germain et les quais de Seine, il est bien certain que la question du genre fait débat (comme on disait jadis aux Deux magots). Ce n’est que dans un certain milieu qu’on en vient à imaginer que l’un des fils de la fratrie, le troisième venu, ne peut être qu’homosexuel et être terriblement décontenancé qu’il ne le soit pas.

Ceci était la prémisse, qui n’est, après tout, pas moins praticable qu’une autre et permet même de sonner une joyeuse charge contre les préjugés, archaïsmes, ossifications, intolérances foisonnant ici et là. Un peu de parisianisme fluté compense de fréquentes grasses complaisances de faux terroir, du type Soupe aux choux. Encore faut-il que le discours au psychanalyste, qui passe relativement bien dans l’intimité d’une petite salle de théâtre, ne vienne pas gêner le spectateur de cinéma.

Que la maman de Gallienne, qu’il interprète, en double/miroir avec le même talent qu’il joue son propre rôle ne cesse d’évoquer son transit et qu’on la voie successivement assise sur la lunette des WC sous le regard de son grand benêt de fils, jurant et sacrant parce qu’elle a bu trop de thé et disant qu’elle s’est libérée dans un véritable Niagara, sortant, fantasmée, d’une cabine ad hoc lorsque Guillaume entre au pensionnat, dans un lourd bruit de chasse d’eau, qu’il fasse subir au spectateur un peu dégouté une séance de lavement administré par Diane Kruger, lors d’une cure, tout cela exhibe un rapport assez ambigu avec le pipi/caca qui ne me semble pas des mieux venus.

Tenons pour rien quelques séquences d’un comique minimaliste où le garçon se fait écraser les phalanges par un masseur colossal, qui, ensuite, lui démolit les vertèbres : ce genre de gag, qui faisait hurler de rire les amateurs des Charlots était tenu pour d’une vulgarité sans égale, dans leur contexte par ceux qui vous prient d’admirer le jeu fin de Gallienne hurlant devant cette brutalité : on est prié de s’esclaffer ! Et de la même façon, la visite d’incorporation militaire ne me paraît se distinguer en rien, dans l’esprit et la finesse, de celle que subit Ignace dans le film de Pierre Colombier.

Mais dire que le Roi est nu est toujours courir grand risque…

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