Les jeux de la comtesse Dolingen de Gratz

Les fantômes à votre rencontre.

Je viens de regarder deux fois de suite ce film au beau titre étrange et plein de mystère. Je ne suis pas certain d’avoir aimé ; moins encore sûr d’avoir compris quelque chose à ce récit où s’entrecroisent les destinées et les personnages. Où il n’y a guère de séquences où l’on sorte des sables mouvants. Un peu comme dans un cauchemar, va-t-on me dire ? Oui, un peu ainsi sans doute, mais un cauchemar à multiples facettes dont surgissent à tous moments de nouveaux personnages inquiétants ou grotesques.

Ce qui me rassure, dans une certaine mesure, c’est d’avoir lu, sur plusieurs sites différents, des résumés très différents les uns des autres, des interprétations contradictoires. Sur l’un d’entre eux (Unifrance), tout paraît très clair : il s’agit de trois histoires liées, mais indépendantes les unes des autres et, telles qu’elles sont présentées par le rédacteur, assez simples à discerner. Sur d’autres sites (Imdb par exemple), c’est beaucoup plus laconique et brouillé. Il me semble qu’en fait personne n’a rien compris tout à fait ce qu’a voulu faire la réalisatrice, Catherine Binet, néanmoins nommée pour le Lion d’Or à la Mostra de Venise pour Les jeux de la comtesse Dolingen de Gratz.

Catherine Binet a été la dernière compagne de Georges Pérec, grand écrivain funambule, soucieux de restituer le plus complétement possible la réalité, sans tomber toutefois dans les outrances illisibles du Nouveau roman (Alain Robbe-GrilletClaude Simon, Nathalie Sarraute et leurs épigones). Je connais trop mal l’œuvre de l’auteur de La vie mode d’emploi (je n’ai lu que ça et il y a bien longtemps) pour savoir quelle est sa part dans le film, dans l’esprit du film, si je puis dire, mais je me doute que cet entrelacs subtil de vampirisme, de sensualités adolescentes, d’obsessions artistiques, de dépressions graves et de folies suicidaires n’en est pas indemne.

Louise Haines-Pearson (Carol Kane) revient d’Amsterdam où elle travaille et retrouve, dans un très bel appartement bourgeois son mari Bertrand (Michael Lonsdale). J’écris son mari parce que ça m’est suggéré par des critiques évoquées plus haut. Mais Bertrand pourrait tout autant être son père ; rien n’est très clair. Louise va visiter, dans la maison de repos où elle est internée, son amie Nena (Marucha Bo) qui lui confie le manuscrit de son dernier roman, qu’elle juge, d’ailleurs, très érotique. De fait le manuscrit relate l’éveil à la sensualité d’une très jeune fille. Une très jeune fille en qui Louise se reconnaît, ou s’identifie.

On saute dans une campagne sévère, très boisée, vers une grande maison, très protégée par de multiples verrous où Bertrand abrite une collection d’anges sculptés baroques, dans une grande pièce enceinte de bois sombres ; et son premier geste est d’écouter le Dies irae du Requiem de Mozart. On revient à Paris, dans le regard de la petite fille qui voit arriver dans la maison paternelle une étrangère qui lui offre une poupée de porcelaine qu’elle saccage et profane consciencieusement.

Survient à ce moment là une ballade bleutée dans un cimetière (images qui marchent à tous les coups, même chez Jean Rollin) et la sépulture de la comtesse Dolingen de Gratz, morte en 1801. Mais retour dans les maisons d’aujourd’hui. On se perd : frustrations et obsessions sexuelles, fantasmes obscènes, horreurs suicidaires, adulations de petite fille pour des gandins avantageux. Amours singulières et gênantes. Dîner bourgeois nauséabond. Hurlements hystériques ; la fin du film est exaltée, même assez ridicule. On ne sait plus où on en est.

Il est des mots lugubres comme l’appel d’un oiseau de la mort. Garde toi de les dire ou ta vie sera peuplée d’ombres et de fantômes qui hanteront tes rêves et se nourriront de ton sang. (carton du Nosferatu de Murnau).

 

 

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