On a connu bien pire !
Je dois dire que je m’attendais à bien pire ! Muni de mes souvenirs, qui n’étaient pas mauvais, (il est vrai qu’au début des années Soixante-Dix j’ingurgitais absolument n’importe quoi en matière de Vampires, y compris les cingleries du maniaque Jean Rollin), mais bien prévenu par des avis très défavorables de plusieurs amateurs, je me suis installé devant cette nouvelle adaptation – une des plus fidèles à l’admirable roman de Bram Stoker – avec la quasi certitude d’avoir dépensé mes sous pour rien et de me préparer une soirée vaseuse (mais, me disais-je, ce sera toujours mieux qu’un Bergman ou qu’un Antonioni ! – ce en quoi je n’avais pas tort).
Lorsqu’on s’attend au pire, on peut espérer quelques lueurs de qualité ; et j’ai trouvé ces lueurs !
Je partage, bien sûr, les avis de mes distingués camarades sur les intenses faiblesses du film : réalisation molle, manque de moyens, photo laide, distribution minable (à l’exception des deux vedettes, bien sûr), dialogues à la limite inférieure du ridicule, balourdises diverses, séquences risibles (le lever, en transparences, des goules dans la crypte) et un paquet de détails qui plombent définitivement les bonnes intentions prétendues du réalisateur.
Mais il y a tout de même quelques bonnes choses : nombre des décors, notamment. C’est quelquefois fugace, comme l’arrivée de Jonathan Harker dans la ville de Transylvanie (Bistritz) où le train l’a conduit : il y a des images d’une grande place rectangulaire, très Mitteleuropa, noyée de pluie qui ne sont pas mal du tout. C’est plus long, et plus intéressant dans toutes les séquences qui se passent dans le Château du Comte Dracula : ce n’est pas un manoir néo-médiéval admirablement meublé et entretenu comme dans les films de la Hammer : c’est un vrai nid d’aigle nu, dépouillé, austère, sauvage, plein de photogéniques toiles d’araignées : de ce fait, l’atmosphère est immédiatement très pesante et l’attitude du Comte y est plus… comment dire ?… logique.
La moustache que porte Christopher Lee est aussi une excellente idée, non pas seulement parce que c’est ainsi que le décrit Bram Stoker : le Comte atteint une dimension peut-être plus sauvage ; et puis, comme dans le très curieux et déjanté Du sang pour Dracula, de Paul Morrissey, le Vampire, tassé, vieilli, à la chevelure blanche, au fur et à mesure qu’il se gave de sang humain, rajeunit et retrouve sa vigueur…
Autre bonne séquence, cruelle à souhait : les enfants qui jouent dans le cimetière et la petite fille happée et tuée par Lucy Westenra (Soledad Miranda), dans une atmosphère onirique…
Klaus Kinski, par sa seule présence, et sans un mot, donne de l’inquiétude…
…Et c’est à peu près tout. Mais je n’ai pas détesté revoir ce nanard-là !