Dangers du jeu
J’ai revu Les nuits de la pleine lune pendant mes vacances, et je persiste à leur coller cette note de 4, qui n’est pas mauvaise, loin de là (ça équivaut à 13 ou 14 sur 20, non ?) mais qui, pour un Rohmer, toujours si excitant (ne vous méprenez pas ! dans mon esprit, ça veut dire jubilatoire !), pour un Rohmer, donc, n’atteint pas les sommets du Genou de Claire, de Ma nuit chez Maud et même de Pauline à la plage.
C’est pourtant diablement intelligent, comme d’habitude, et cette histoire d’infusionnabilité du couple, qui date déjà de 1984, qui se passe partie à Paris, partie dans cette banlieue anonyme et emmerdante de Marne-la-Vallée conserve toute sa puissance de diagnostic…
Comment, dans un monde où les femmes travaillent de manière autonome, conservent leurs amitiés de jeunesse, choisissent de plus en plus tard de se stabiliser, hésitent à avoir des enfants avant la trentaine, comment créer un couple stable qui ne fera pas que partager le même lit ?
Comment une femme qui aime, ou croit réellement aimer un homme avec qui elle n’a de commun qu’une sorte d’attirance passionnelle – c’est-à-dire des phéromones, dont la durée d’attractivité est, au plus, de cinq ans – , comment cette femme charmante, courtisée, pleine d’envies multiples n’aurait-elle pas envie de solitudes (j’écris ce mot volontairement au pluriel) et ne succomberait-elle pas aux tentations à quoi elle se soumet avec une belle inconscience ?
C’est le film du danger du jeu, des ravages des malentendus entre deux êtres qui pensent s’aimer. Rémi (parfait Tchéky Karyo) apparaît continuellement mal à l’aise devant une Louise (Pascale Ogier, sexy et crispante) qui, en fait, tient bien plus à son ami Octave (Fabrice Luchini, qui lucchinise un max) – sans pour autant avoir la moindre envie de coucher avec lui – qu’à Rémi, qui est son mec.
Faux-semblants du cœur, différences fondamentales dans le rapport au corps et au plaisir de l’Homme et de la Femme, de l’incompréhension absolue (Rémi à Louise : Tu es opaque comme un mur !). La pleine lune est celle qui efface les repères, celle qui rend fou, celle où Louise trompe Rémi.
Mais comme Rohmer est notre cinéaste le plus proche de l’élégance et de l’esprit du 18ème siècle, siècle à la fois narquois et moral, il achève son étude sur la pirouette du départ de Rémi, qui ne se raconte pas d’histoire, et qui a trouvé une fille qui ne se joue pas la comédie de la passion (fût-ce en y croyant) et ne se perd pas en billevesées…
Enfin, c’est très bien. Il y a, paraît-il, de mauvais Rohmer. Certains, me dit-on, en ont même vu.