Feu d’artifice élégant
S’ouvre le générique – qui n’est pas joué par les protagonistes, mais composé avec infiniment d’esprit. Juste avant le début du film, un carton prévient : Une histoire recueillie, composée, écrite et bien souvent imaginée par Sacha Guitry (c’est moi qui souligne, bien sûr).
Tout est dit, avec élégance, désinvolture et distance : on ne saurait mieux dire toute absence de prétention historique : on va se glisser dans les pages de ce qu’on appelait La petite Histoire, lorsque la plupart de nos concitoyens connaissaient les grandes lignes de l’Histoire tout court… Je me demande, d’ailleurs, si l’on peut apprécier ce festival d’images, de personnages hauts en couleurs, de situations dramatiques ou légères, mené à grandes guides, si l’on n’a pas quelques solides bases ; car dans ce film étourdissant, on va, on vient, on virevolte, on enjambe les siècles, on passe de François Ier à Napoléon III, pour, en une pirouette, revenir trois siècles auparavant ou s’envoler vers les temps contemporains.
Alors que les œuvres para-historiques de Guitry se fixeront, plus tard sur un lieu (Remontons les Champs-Elysées, Si Versailles m’était conté), un personnage (Le Diable boiteux, Napoléon) ou une ville (Si Paris nous était conté), Les perles de la Couronne prennent pour prétexte badin l’histoire de sept perles fines piriformes, à l’orient parfait, réunies par le Pape Clément VII qui en détenait certaines et dont les autres ont été recueillies au prix de mille aventures par un aventurier italien. Ensuite dérobées, quatre d’entre elles ornent la Couronne royale d’Angleterre, trois ont disparu.
Il serait absurde, évidemment, de conter les cheminements incongrus des joyaux, la façon singulière dont ils passent de main en main, disparaissent et refont surface ; une riche littérature s’est, de longue date établie autour des diamants de légende, Régent, Cullinan ou Koh-I-Nor, mais les récits véridiques sont sûrement moins époustouflants que le roman invraisemblable inventé par Guitry, avec une verve et une bonne humeur jamais prises en défaut.
Des mots à n’en plus finir : François Ier (Guitry lui-même) découvre, parmi les dames de sa cour, le frais minois d’Anne de Boleyn (Barbara Shaw), qui donne des cours d’anglais au Dauphin : J’ai grande envie d’apprendre la langue anglaise…et puisqu’il me faut un professeur, voulez-vous être ma maîtresse ?
Ou bien : Épouser sa maîtresse, c’est une façon comme une autre de reprendre sa liberté, puisque la place de cette maîtresse devient vacante, alors.
Ou encore, plus nostalgique, ce dialogue entre Raimu, industriel trompé et Pauline Carton, femme de chambre, comme souvent : Ah les femmes ! soupire le premier ; Oh oui ! répond l’autre ; Qu’est-ce que vous en savez ? reprend l’homme, dubitatif sur les appâts de son interlocutrice ; Je l’ai été !, soupire-t-elle…
Il y a quelques scories, tout de même, notamment les scènes en Abyssinie, où Arletty, demi-nue joue les reines goulues dévoreuses de mâles en roulant les yeux ; ou les papelardises longuettes de Clément VII (Ermete Zacconi) ; mais dans l’ensemble, c’est rythmé, léger, délicieux, inventif…
Petite remarque anodine : dans l’une des scènes, la grande Damia, sous les oripeaux d’une mégère jacobine, entonne La Carmagnole, accrochée aux grilles dorées du Palais-Royal… Dans Si Versailles, souvenez-vous en, c’était Édith Piaf qui chantait le Ça ira !, pareillement juchée sur des grilles…
Promenade nonchalante et racée, copie très bien restaurée, Guitry au meilleur de son art…. Que rêver d’autre ?