Le jour qui naît, la nuit qui vient…
Ce n’est pas que pour Odette Joyeux (quel paradoxe de porter un nom pareil et de jouer presque toujours les enfants tristes !) que j’ai regardé Les petites du Quai aux fleurs, même si je suis toujours sensible à sa beauté inquiète et à ses yeux graves. C’est aussi pour le titre qui m’avait semblé charmant et pour l’idée de départ, la réunion sous le toit d’une vieille librairie près de la Seine, d’un père un peu extravagant (André Lefaur) et de ses quatre filles, jolies, sages mais qui rêvent toutes au grand amour. Dans l’ordre d’âge présumé Édith (Simone Sylvestre), Indiana (Colette Richard), qui sont censées avoir 20 ans l’une, 18 ans l’autre, puis Rosine (Odette Joyeux), 16 ans et Bérénice (Danièle Delorme), 14.
Le film est sorti sur les écrans le 27 mai 1944, moins de quinze jours avant le Débarquement ; on n’y sent évidemment pas la moindre trace de l’Occupation, des restrictions et des angoisses de ces temps-là ; le malheur est qu’on n’y sent pas le moindre rythme et que les péripéties, sans ennuyer tout à fait, ne donnent pas la moindre goutte d’émotion : on s’y sent terriblement extérieur, ce qui n’est pas toujours le cas, pour ces comédies tournées pendant la période dont certaines sont vraiment distrayantes (Premier rendez-vous d’Henri Decoin, par exemple).
Pour l’anecdote, on va noter que ce fut le dernier rôle d’André Lefaur, le troisième de Danièle Delorme et le premier de Gérard Philipe, qui interprète un jeune homme très riche amoureux transi puis comblé d’Indiana, deuxième de la fratrie. On va noter aussi, dût la chose paraître discourtoise, que la manie persiste de faire jouer à Odette Joyeux des personnages très jeunes, en dépit de la vraisemblance. L’actrice, censée donc avoir 16 ans, en avait déjà 30. Ça peut passer (et de fait, ça passe bien dans Douce qui est un diamant noir et tragique), mais dans une comédie légère, ça bloque un peu.
J’espérais aussi qu’on verrait un peu ce Quai aux fleurs (la partie nord-est des quais de la Cité, avant le Quai de Corse et le Quai de l’Horloge) ; en fait, la boutique de la librairie Grimaud paraît être une fois située sur le Quai de Bourbon (dans l’île Saint Louis) et plus souvent sur le Quai de la Mégisserie (sur la rive droite) ; ça m’a un peu agacé.
Bon ; je manque de verve pour évoquer cette bluette de Marc Allégret ; ce qui n’a rien d’étonnant.