Du réchauffé qui attache au fond de la casserole.
Philippe Harel est un réalisateur peu prolifique ; ceci sans doute parce qu’il est souvent exigeant dans le choix de ses sujets. À preuve Extension du domaine de la lutte (1999) qui est une bien intéressante adaptation du roman fondateur de Michel Houellebecq ou bien Le vélo de Ghislain Lambert (2002) qui plonge le spectateur dans le monde singulier des équipes de coureurs cyclistes professionnels de second rang. Mais il s’est surtout fait connaître, en 1997, avec un film sans profondeur, mais bien fait et agréable à suivre, Les Randonneurs.
Cédant à la mode des suites (dont le pire exemple est Les Bronzés 3), il tourne en 2008 Les randonneurs à St-Tropez en pensant retrouver les bonnes recettes mitonnées dix ans auparavant. Le malheur est qu’il n’a pu qu’accommoder des restes en les mélangeant dans une nouvelle casserole, au demeurant moins adaptée. Car entre la fulgurante beauté des paysages corses et la fréquente banalité des quais de Saint-Tropez, il n’y a pas photo, si j’ose dire.
Et puis – et surtout – dans l’un et l’autre film, Harel n’utilise pas, ou pas assez, ou sans assez d’acuité le matériau sociétal qu’il a sous la main, le matériel fascinant que sont les vies désastreuses de ses personnages. À dire vrai seul les grands cinéastes de la comédie italienne (Mario Monicelli ou Dino Risi) savent faire cela. Patrice Leconte, chez nous, s’en est un peu approché mais n’a jamais osé aller vraiment dans le dur du sujet : la démolition des fausses complicités, l’hypocrisie des relations amicales, la dévastation de l’individualisme et du C’est mon choix !
En Corse, dix ans auparavant, les quatre copains, tous mal à l’aise dans leur peau d’individus libérés mais totalement solitaires montraient ici et là le pathétique de leurs vies. Les deux frères Louis (Philippe Harel) et Matthieu (Vincent Elbaz), Coralie (Karin Viard) et Nadine (Géraldine Pailhas), leur guide tonitruant et fragile Éric (Benoît Poelvoorde). Des étourneaux sans structure.
D’ailleurs rien n’a changé dix ans plus tard. Nadine/Pailhas continue à n’avoir d’histoires qu’avec des hommes mariés, structurellement indisponibles, Coralie/Viard tente de bâtir un couple recomposé (c’est-à-dire construit de gens décomposés au préalable) avec Jean-Jacques (Alain Guillo) ; Matthieu/Elbaz continue à papillonner et Louis/Harel porte sur ses épaules et dans sa mine terne tout le poids du monde et de sa morosité.
Les quatre amis – mais dix ans après, on se demande comment ils le sont restés, c’est très artificiel – décident d’aller passer leurs vacances sur la côte varoise et louent un appartement à Sainte Maxime. En allant passer une soirée dans le pandémonium de Saint-Tropez, ils rencontrent leur ancien guide de randonnée Éric/Poelvoorde qui leur ouvre les portes du monde du fric et des yachts mêmement démesurés, des boîtes de nuit où le Dom Pérignon coule à flots, des milliardaires désinvoltes, de la vie facile.
Trop facile pour être honnête, évidemment. Mais pour s’en apercevoir, il faudra du temps aux quatre amis, quelques humiliations, des avanies, des aventures un peu ridicules.Tout cela pourrait faire un film grinçant, dans un esprit houellebecquien. Rien de ça. C’est paresseux, souvent ennuyeux ; les acteurs font ce qu’ils peuvent. Mais c’est vraiment un film inutile.