Chef de file du cinéma de la Qualité française et donc tête-de-Turc des petits messieurs de la Nouvelle vaguequi ne souhaitaient rien plus que prendre leur place, Jean Delannoy n’est pas un mauvais cinéaste. Disons qu’il est un bon artisan du cinéma, alternant les réussites (Marie-Antoinette reine de France 1956 Maigret tend un piège 1958, Le baron de l’écluse 1960) et les ratages complets (L’assassin a peur la nuit 1942, L’éternel retour 1943, La symphonie pastorale 1946). Et beaucoup d’autres films qui ne laissent de traces que dans la tête des amateurs de vieilleries.
Il y a d’ailleurs des vieilleries délicieuses, charmantes, nostalgiques ; on ne peut pas dire que Les sultans en fassent partie. C’est une coproduction franco-italienne adaptée d’un roman de Christine de Rivoyre dont le talent ne survit aujourd’hui que grâce à l’adaptation de ses romans. Et encore ! Sommes-nous beaucoup à nous rappeler La mandarine, roman de 1957 qu’Édouard Molinaro adapta en 1971, au Petit matin de 1968 adapté par Jean-Gabriel Albicocco en 1971 et des Sultans, (nous y venons) de 1964 réalisé par Jean Delannoy en 1966 ?
C’est bien médiocre, en fin de compte, alors qu’il y avait de la matière pour réaliser un film acéré, cruel, un peu désespérant. Pour n’avoir pas lu le roman, pourtant adapté par son auteur, Christine de Rivoyre, j’ignore s’il était acide comme on aurait souhaité que le film le fût. Mais outre la mollesse sans rythme, la répétitivité des scènes, la médiocrité des acteurs, on demeure vraiment à la surface pelliculaire des choses.Laurent Messager (Louis Jourdan) est un très prospère industriel de produits phytosanitaires et cosmétiques ; il vit dans un somptueux appartement du côté de l’avenue Foch. A-t-il fait fortune grâce à son ingéniosité commerciale ou son opulence vient elle de sa femme Odette (Renée Faure) qui paraît sensiblement plus âgée et flétrie que son très bel homme de mari ? En tout cas l’épouse légitime paraît couvrir d’un œil indulgent, ou même complaisant, les frasques de Laurent qui a multiplié les conquêtes et se trouve présentement l’amant chéri de Lisa Bortoli (Gina Lollobrigida), tumultueuse photographe italienne. La fille Messager, Kim (Muriel Baptiste) qui a 18 ans, est tout à fait au courant de la situation mais est si fascinée par son cavaleur de père qu’elle ne voit pas du tout qu’il puisse y avoir un petit souci…
Au fait, c’est bien Kim qui a des soucis : l’homme qu’elle aime ne lui a plus donné signe de vie depuis plusieurs jours. Alors que Laurent/Jourdan se prépare à aller passer la nuit avec sa maîtresse Lisa/Lollobrigida, la jeune fille obtient de son père une soirée de fête. Après un très beau dîner de fruits de mer, elle l’entraîne dans une boîte de nuit dirigée par Delphine Rosy Varte, où tout le monde la connaît et où elle sait pouvoir retrouver son amant et le rendre jaloux en s’exhibant avec son playboy de père.
Pendant ce temps-là, Lisa s’inquiète et s’impatiente de l’absence de Laurent ; dans la meilleure tradition des vaudevilles, les coups de téléphone qu’il tente de lui passer pour expliquer la situation tombent dans le vide. Lisa, de son côté, fait connaissance de sa jeune voisine, Mireille (Corinne Marchand), jeune femme pulpeuse et niaise entretenue par son amant gynécologue Michel (Philippe Noiret) (qu’elle appelle Michou). Michel qui arrive enfin et n’est pas insensible au charme de Lisa.
Dans la boîte de nuit, Léo, l’amant de Kim est présent : surprise, il a le même âge que son père : c’est Daniel Gélin. Il ne faut pas grand temps pour que les deux hommes se collettent.Je ne suis pas certain qu’il faille raconter la suite, vraiment très théâtreuse et laborieuse ; c’est tellement mou qu’on n’est pas du tout mécontent quand ça se termine.
Et voilà un nouvel exemple que la plupart des acteurs n’ont du talent que lorsque le scénario est fort et le réalisateur davantage encore. Car Gina Lollobrigida, Louis Jourdan, Corinne Marchand, Philippe Noiret les unes et les autres ont tenu, bien tenu de grands rôles. Là, on a peine pour eux.