Les Vikings

Le territoire des loups.

Je me promettais depuis longtemps de revoir Les Vikings, découverts au cinéma lors de leur sortie en France. Mes onze ans s’y étaient enthousiasmés, d’autant que cette histoire rare changeait agréablement des westerns et des péplums qui faisaient l’essentiel des superproductions de l’époque. Et le film a bien dû repasser quatre ou cinq fois à la télévision et j’avais aussi trouvé, lors de ma première vision en DVD qu’il tenait vaillamment le poids des années. Je l’ai regardé à nouveau tout à l’heure, dans une perspective un peu plus critique et j’ai été ravi : c’est encore mieux que dans mon souvenir !

Et surtout, naturellement, si l’on a gardé un peu d’esprit d’enfance et si on se passionne, sans trop de souci de vraisemblance pour ces récits d’aventure et ces combats féroces plaqués, cette fois, dans un cadre inusité ; mais écrivant ceci, je me repends immédiatement : il n’y a pas de manichéisme simpliste dans Les Vikings, les tares et brutalités sont équitablement réparties dans les deux camps, anglais et nordique et le héros Érik (Tony Curtis), terriblement taciturne au demeurant (l’avez-vous remarqué ?) est aussi brutalement sauvage que ses congénères ; d’ailleurs, si l’on met à part le brave moine Godwin (Alexander Knox), le seul type civilisé du film, qui pense, réfléchit et comprend, c’est Egbert (James Donald), le traître anglais allié des Vikings.

Au fait, Richard Fleischer a composé de bien belles images, aidé par son directeur de la photographie, Jack Cardiff : les impressionnants décors naturels du fjord (et pourtant il est en Croatie !) et du château breton ont été, à juste titre, célébrés, mais les scènes intérieures, les galimafrées des Vikings tout autant que les oubliettes inquiétantes où hurlent les chiens affamés sont superbement éclairées.

La musique de Mario Nascimbene offre deux thèmes, également réussis, qui s’entrecroisent et se succèdent avec élégance. Les acteurs sont impeccables : grandes stars du cinéma hollywoodien, avec une mention spéciale pour Ernest Borgnine, que je n’ai jamais vu décevant et pour Kirk Douglas, évidemment ; je recommande, à son propos, de toujours choisir la version originale des films qu’il interprète, ses distributeurs français lui ayant collé, comme une malédiction, pour toutes les adaptations françaises, la voix risible de Roger Rudel, qui est à fuir…

vikings11Ciels pâles, brouillards épais, cascades étincelantes, montagnes perpétuellement enneigées, eaux qu’on devine glacées… et aussi histoire rocambolesque, enfant issu d’un viol, mystérieux signe de reconnaissance, banquets orgiaques, cervoise tiède qui fume dans les foudres et dans les hanaps, crabes voraces, sorcière inspirée, balistes et ruses de guerre, paysans qui se réfugient dans le château (c’est pour cela qu’ils payaient la taille et effectuaient les corvées) : tout cela est très réussi.

Et je me remémore aussi certaines séquences fortes, par exemple celle où Ragnar (Ernest Borgnine) invoque Odin et se jette de lui-même dans la fosse aux loups ; ou celle où Einar (Kirk Douglas) danse sur les avirons dressés de ses marins sans tomber, là où tous ses compagnons ont échoué…

Un film mémorable, qu’on ne se lasse pas de voir et revoir.

 

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