Assez curieux film, au titre bien médiocre et à l’intrigue excessivement compliquée. Le réalisateur, Henri Calef a tourné un film assez bien fait sur la fin de l’Occupation et le drame d’otages prisonniers, Jéricho. Et il a consciencieusement massacré Les chouans, un des premiers et des plus mauvais romans d’Honoré de Balzac.Calef est un de ces bons artisans du samedi soir qui ont fait florès dans la France tranquille de l’après-guerre. Un ouvrage consciencieux, des acteurs paresseusement dirigés, une intrigue compliquée, une énigme qui se résout à la fin au mieux, après qu’on a tremblé pour les héros. On rentre dans son trois-pièces au cinquième étage sans ascenseur, tout content d’avoir dégusté son esquimau Gervais et son sachet de bonbons Kréma. Et, dès le lendemain, on partira contribuer au miracle économique français. Le plus drôle, c’est que c’est tout à fait ça.
Histoire compliquée donc, établie sur des secrets de famille. Famille tout autant compliquée, au demeurant. Il y a là deux cousins que tout oppose : le rogue, puissant, riche, plein de morgue et de suffisance Bernard Chartrain (Jean Brochard) qui vit dans un bel hôtel particulier d’Honfleur et qui fait des affaires. Et il y a le minable, alcoolique, aigri, amer, misérable éclusier Pierre Tiercelin (Fernand Ledoux). Le premier est le père du médiocre Philippe (qu’on ne verra jamais) et de la pépiante Lisiane (Béatrice Altariba) ; le second d’Evelyne (Françoise Fabian) qui, par nécessité économique est danseuse nue dans on ne sait quel cabaret.
Un secret lie ces deux cousins si dissemblables : ils ont jadis grugé un autre cousin, Edgar, qui est parti longtemps auparavant aux États-Unis mais qui pourrait bien revenir leur demander des comptes. Et, de fait, certains indices semblent montrer que ce gêneur est là et les guette. Chacun des cousins reçoit par la poste un de ces charmants cercueils miniature qui font un peu froid dans le dos à celui qui le reçoit. Mais comment la police pourrait-elle prendre au sérieux des hantises fondées sur si peu de choses ?
Elle le fait, pourtant, sous la conduite de l’Inspecteur principal Malouvrier (Paul Meurisse) qui détient une telle physionomie de justicier que tout le monde, à un moment, se demande s’il n’est pas le redouté Edgar revenu d’Outre-Atlantique pour châtier les félons. Le scénario se développe parallèlement à la vie des deux familles, à la fois très proches par les liens du secret et très éloignées par le mode de vie. Le scénario, très alambiqué donc, introduit des personnages secondaires dont on croit, à certains moments, qu’ils auront de l’importance et qui, finalement égareront le spectateur sur de fausses pistes. Ainsi Irène (Junie Astor), gouvernante de l’opulente maison Chartrain et son fils Léo (Daniel Clérice), espèce de gigolo minable ; ainsi Eugène (Jean Meyer), valet de chambre stylé de Bernard Chartrain ; ainsi même Philippe de Coppet (Paul Guers), fiancé désargenté, mais de très bonne famille, de la très riche Lisiane Chartrain/Béatrice Altariba.
Avec de telles prémisses, on devine qu’il va y avoir coups de théâtre et renversements de situation à tire-larigot. Et on n’a pas tort. Il y en a même un peu trop. On arrive toutefois à les suivre et à y prendre un certain intérêt. Et puis, parce que l’on est bon prince, on se régale, malgré des dialogues bien pauvres, du jeu des acteurs. Paul Meurisse, déjà excellent en policier pète-sec (mais qu’on verra bien meilleur dans Le deuxième souffle de Jean-Pierre Melville), Françoise Fabian qui a toujours été belle comme un songe oriental, Fernand Ledoux, qui pouvait tout jouer.
Agréable petit film distrayant. Vaut mieux que tous les Godard du monde.