Un regard tendre, et si précis…
Un film où il ne se passe presque rien et qui est pourtant une merveille de tendresse intelligente et d’observation fine sur un monde enfoui, celui des jeunes gens et jeunes filles d’avant la pétaudière de Mai 68…
Car ça se passe en 1962 (à preuve la bagarre entre les deux lycéens, l’un partisan de l’Algérie française, l’autre de la fin de la guerre) savoureusement interrompue par le Surveillant général (qui doit s’appeler désormais Conseiller principal d’éducation : on n’est plus là pour surveiller !), Jacques Debary qui rappelle aux protagonistes, à grands coups d’heures de colle, que La politique, il faut laisser ça aux grandes personnes, ce qu’ils ne sont pas, précisément. Les adultes sont dans leur rôle et les futurs bacheliers aussi, qui se posent en s’opposant, qui s’affirment dans les éternelles manigances secrètes de leur Prison/Royaume, comme les galopins de Zéro de conduite ou des Disparus de Saint-Agil…
Qui n’a pas vécu ces années du baby boom, qui n’a pas eu, à cette époque, ses 16 ou 17 ans, cet âge où la sève est la plus vive en soi, en ces années où les garçons voulaient pousser les filles à aller plus loin qu’elles ne le voulaient, peut n’être pas sensible au charme extrême des Zozos, à cette sorte de fascination qu’exerçait la Suède, sorte de Terre promise des filles libérées où toutes les vantardises de préaux et de cour de récréation trouvaient – ou pouvaient trouver – une vraie concrétisation…
Frédéric (Frédéric Duru) et François (Edmond Raillard) ont de bien charmantes amies, Martine (Virginie Thévenet) et Élisabeth (Annie Colé) – sans d’ailleurs être les uns et les autres bien assurés de leur inclinaison – ; la sœur de Martine, Nelly (Caroline Cartier), plus dessalée ferait, d’ailleurs, tout aussi bien l’affaire, mais dans ce printemps qui commence, dans l’émoi général des sensualités, encore faut-il être là à la bonne heure, ne pas se faire devancer par un autre candidat, avoir l’audace nécessaire, ne pas commettre la gaffe majuscule…
Tandis qu’en Suède ! Sous le ciel immuablement gris, on baise avec simplicité, et même avec ennui, presque, comme on avalerait avec régularité sa cuillère d’huile de foie de morue : hygiénisme sans grandes manœuvres… C’est glaçant et c’est si pitoyablement drôle…
Tous les gestes des Zozos sont justes, toutes les incertitudes de l’époque sont captées, de cet âge-charnière où les chemins se dessinent… Les acteurs sont remarquables de naturel, les jeunes et les autres (très bonne composition de Daniel Ceccaldi en oncle complice, paillard et rigoleur), où les villages paisibles, leur ennui et leur sérénité sont filmés sans outrance et avec gentillesse…
Le lycée, les blagues idiotes, les vantardises, les rêveries sur les formes girondes de l’Intendante ou les amours supposées des profs, les souffre-douleur persécutés, les photos retouchées des Folies de Paris-Hollywood, les bons élèves, l’obsession des filles… Le parfum des Zozos demeure aussi intense, 35 ans après sa sortie…