Au sortir de ma re-vision de ce film, j’étais à deux doigts de donner une bonne note, quelque chose comme 4/6, parce que la façon d’aborder les noirceurs du Chicago des années Cinquante m’avait semblé convaincante : bars glauques, épaves humaines, parties de poker clandestines, jazz (magnifique) omniprésent et la drogue traitée moins comme un vice exotique (Razzia sur la chnouf) que comme un assujettissement monstrueux.En plus j’ai trouvé Frank Sinatra (Frankie Machine) remarquable, Kim Novak (Molly Novotny) un peu moins glacialement emmerdante que d’habitude et les trognes des seconds rôles tout à fait pittoresques.
Mais y resongeant, je baisse ma note à 3, même si 3,5 serait sans doute mieux adapté. D’abord, c’est assez long, pour ne pas dire longuet ou languissant. Ce n’est pas qu’on s’ennuie vraiment, mais on a tout de même l’impression qu’Otto Preminger aurait pu être un peu plus nerveux, mettre davantage de rythme dans son propos. Toutes les scènes ont, sans doute leur pertinence, mais elles sont diluées et chaque séquence dure quelques instants de trop.
En revanche, il y a quelque chose de très intéressant, c’est le côté fatal, inéluctable de la destinée de ce pauvre type qu’est Machine, bloqué entre sa femme, sa maîtresse, sa dépendance à la drogue, son talent de joueur de poker ; mais ce n’est pas assez noir, pas assez sombre : on a constamment l’impression qu’il va s’en sortir, et, de fait, au prix d’une conclusion invraisemblable, toute ruisselante d’un happy end dans le ton de l’époque. C’est dommage, parce que ce côté de traque, ces pièges qui se referment l’un après l’autre sur les bonnes résolutions, ces rencontres fatidiques auraient pu permettre un film bien désespérant…