Vestiaire de l’enfance.
Si ma note est un peu supérieure à la moyenne – mais de très peu, et presque avec regret – c’est bien grâce à deux choses. D’abord, le superbe aphorisme de François Truffaut : Les jambes de femmes sont des compas qui arpentent le globe terrestre en tous sens, lui donnant son équilibre et son harmonie, aphorisme dont il était si fier, à juste titre, qu’il l’emploie deux fois dans le film. Ensuite, et surtout, grâce au jeu de Charles Denner qui a trouvé, dans L’homme qui aimait les femmes le premier rôle qui le fera demeurer pour toujours dans l’histoire du cinéma. C’est un peu comme Michel Galabru avec Le Juge et l’assassin ou Charles Blavette avec Toni : une grâce rare donnée à des acteurs de second plan d’être mis en scène dans un rôle idéalement fait pour eux.
Sinon, c’est un salmigondis, souvent plaisant, mais souvent aussi pesant et répétitif, une compilation d’aventures de Truffaut avec les femmes, comme L’argent de poche était un recueil de souvenirs d’enfance ; on sent, dans l’un et l’autre film, la lourdeur des assemblages liés par un fil conducteur bâti avec à peu près n’importe quoi : souvenir léger, anecdote piquante, grand chagrin, situation incongrue, fantasme aimable, artifice de la mémoire…
Truffaut, de fait, la chose est peu contestable, a vécu lui-même dans cette sorte d’angoisse de la conquête et de la nouveauté qu’il prête à son personnage ; cette insatisfaction majuscule, cette insatiété douloureuse, ce besoin perpétuel de nouveauté et de découverte lui venaient sans doute d’assez loin : de la même façon que dans Les Quatre cents coups, Antoine (Jean-Pierre Léaud) découvrait l’infidélité et la frustration de Gilberte Doinel (Claire Maurier), de même Bertrand Morane (Charles Denner, donc) a vécu une enfance froide, difficile et étonnée par les amants de sa mère (Marie-Jeanne Montfajon).
Cette psychanalyse de bazar n’a pas beaucoup d’importance et, mieux lissées, mieux proportionnées, les aventures de Morane avec une kyrielle de jolies femmes passeraient mieux l’écran si elles n’avaient pas cette allure de catalogue, de typologie, presque de physiologie du dragueur, comme Morane ne veut pas qu’on l’appelle. Disons alors que le côté amer, inquiet, absorbé, obsessionnel du personnage passe moins bien, avec moins d’aisance que ne passait une autre facette d’homme émerveillé par la beauté des femmes, celle pleine de brio, d’aisance, de légèreté du Cavaleur de Philippe de Broca, parfaitement interprété par Jean Rochefort.
Il me semble, en tout cas, que le sujet méritait mieux. Et notamment beaucoup mieux que l’artifice niais de la fin, Morane fauché par une voiture alors qu’il traversait la rue pour suivre des jupons séduisants. Et le défilé au cimetière de toutes ses femmes, les fausses, les vraies, les jeunes, les moins jeunes, les rêvées, les manquées, les belles, les moins jolies, les vraiment tristes et les seulement étonnées est du dernier ridicule.