L’honneur d’un capitaine

Des héros fatigués.

Le parti choisi par Pierre Schœndœrffer pour présenter ce sujet encore brûlant de l’Algérie est un peu artificiel et ne m’a pas totalement convaincu : lors d’une émission qui évoque évidemment les défunts Dossiers de l’écran où, après la projection d’un film-prétexte, un sujet d’histoire ou de société était évoqué par plusieurs spécialistes, un sociologue engagé attaque violemment l’honneur d’un soldat tué au combat vingt ans auparavant, le capitaine Marcel Caron (Jacques Perrin) en le traitant de tortionnaire. Le commandant Guilloux (Robert Etcheverry), officier qui a connu Caron, quitte le plateau avec fracas (comme le fit un jour l’écrivain Maurice Clavel, dans un autre contexte). Et la veuve du capitaine, Patricia, (Nicole Garcia) va demander réparation de l’outrage. Un procès pour diffamation a lieu.

On se perd un peu au début, qui n’est pas très bon, dans des incertitudes inutiles : les interrogations de Patricia sur l’utilité de sa démarche, les réticences des militaires anciens chefs ou camarades du capitaine Caron et les bougonneries de son oncle (Georges Wilson), important avocat qui rechigne au procès, mais se résout à le plaider,

La structure du procès permet de confronter les antagonismes ; le sociologue qui a insulté Caron est défendu par Me Gillard, avocat retors et redoutable ; je dois dire que j’ai rarement vu Charles Denner, qui l’incarne, aussi extraordinairement bon : il sue la haine de l’Armée et de la France avec une véracité exemplaire et sait débusquer au fond du dossier l’interrogation qui interpelle et le questionnement qui déconcerte. On reconstitue donc, au prétoire, les 18 – ou 19, le détail a de l’importance – jours de la vie du capitaine, accusé de tortures et d’exécutions sommaires.

img9670025936499Et on reconstitue aussi sa vie : la Résistance, au plateau des Glières aux côtés d’une des plus pures et plus belles figures du maquis, le lieutenant Tom Morel, l’Indochine (éternel amour de Schœndœrffer) et la violence des camps d’extermination Vietminh, et le djebel, enfin dans une guerre perdue d’avance.

L’honneur d’un capitaine n’est pas du tout un film politique, un film qui prend parti ou, plutôt, un film engagé. La guerre n’est pas une chose simple et la charge lourde qui pèse sur les épaules du chef n’est pas une responsabilité facile. Il y a la mort que l’on donne et la responsabilité vis-à-vis de ceux que l’on commande et que l’on tente de préserver. Il y a la difficulté de respecter l’ennemi, même si cet ennemi se conduit de façon atroce et qu’on serait bien tenté d’aller sur son terrain…

movie_callout_imageLes meilleurs moments du film sont les scènes de combat, que Schœndœrffer (ancien du Service cinématographique de l’Armée) représente avec la même sécheresse que dans La 317e section : les coups de feu partent d’on ne sait d’où, tuent indistinctement et on tire sans voir l’adversaire, dans un mélange de trouille et d’exaltation…

On ne va pas ouvrir un nouveau débat sur la présence française en Algérie, sur le déchirement de l’Armée, sur les apports positifs de la colonisation et sur son erreur fondamentale et essentielle. Mais on peut bien s’attrister que des hommes d’une grande qualité ne trouvent leur grandeur – et leur mort – que sur ces altitudes…

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