Mieux qu’un léopard : une panthère !
Malgré l’épouvantable et ridicule titre français, je n’étais pas loin, après les vingt premières minutes, à hausser ma note au meilleur des niveaux et à mettre un 6/6 à cette réussite de la comédie américaine, genre dont je ne suis pas plus féru que de western. D’autant que la variété des talents d’Howard Hawks me plaît bien : un réalisateur qui a su tourner le plus formidable des films qui soient sur l’Afrique éternelle (Hatari, bien sûr) et un admirable péplum (La terre des pharaons) m’est sympathique et j’aime assez les cinéastes qui ne se cantonnent pas à un genre ronronnant (comme le surévalué Hitchcock, par exemple).
L’impossible Monsieur Bébé commence donc merveilleusement bien, à mille à l’heure, par une comédie spirituelle, virevoltante, déchaînée, au rythme éblouissant, dans une miraculeuse justesse des comportements et des dialogues : jeux verbaux, changements de ton, accélérations continuelles, situations rocambolesques et drôlatiques, jeu parfait des acteurs. Mais au fur et à mesure que le film avance (et il n’est pas vraiment long : à peine plus de 100 minutes), il s’englue, passant au vaudeville et se terminant en farce (la dernière demi-heure est même assez pénible). Sans doute était-il difficile de maintenir la virtuosité échevelée du début, mais on est assez déçu, après cette entame impeccable, de retomber au niveau d’un bon spectacle étasunien classique.
Ça demeure néanmoins un spectacle de qualité ; surtout ça présente l’immense qualité de faire basculer l’éclairage principal vers l’héroïne, au détriment du héros, qui apparaît, en compensation, bien falot. Ce qui est amusant, c’est que le héros, c’est Cary Grant (il est vrai qu’il occupe assez souvent au cinéma des rôles de benêt) et l’héroïne Katharine Hepburn ; si le film doit être regardé, malgré son essoufflement continu et progressif, c’est grâce à cette extraordinaire prestation ; je n’ai pas en tête un exemple plus significatif d’actrice simplement jolie qui devient, comme elle, absolument irrésistible, grâce à sa spontanéité, son abattage, sa vivacité, son charme qui désarçonne, qui stupéfie : sa rencontre avec Grant sur un terrain de golf, puis dans un restaurant à la mode, la façon qu’elle a de désarçonner son partenaire par un décalage enlevé de ses réponses sur les questionnements effarés qu’on lui fait sont parmi les meilleurs moments de cette agréable comédie…