La vie quotidienne en Californie.
Découverte d’un personnage dont j’ai souvent entendu parler sur les forums, cet Inspecteur Harry, exagérément vilipendé ou célébré selon les points de vue, qui a permis à la mâchoire marmoréenne de Clint Eastwood d’acquérir une réputation internationale et au possesseur de ladite mâchoire de réaliser un paquet de films qui ne sont, au demeurant, pas désagréables à regarder, même s’ils n’atteignent aucun sommet.
Je ne crois pas qu’on puisse regarder L’Inspecteur Harry sans être happé par le rythme du récit, la violence du propos et la qualité de la réalisation de Don Siegel : on est dans la vie quotidienne des abords radieux du Pacifique dès la première image, que je suppose célébrissime, cette piscine au sommet d’un gratte-ciel guettée par un tueur installé dans un building plus haut placé ; on sait bien que la pauvre fille au hideux maillot jaunâtre en nid d’abeilles qui va plonger n’en n’a pas pour longtemps à vivre. Le film se poursuit avec une efficacité remarquable et on est autant émerveillé par le sauvetage habile effectué par Harry/Eastwood d’un candidat au suicide (qui, sans doute, ne manquera pas de recommencer plus tard) que par la traque du tueur monstrueux Scorpion (Andrew Robinson).
Monstrueux. Enfin… Si on veut. Car lorsqu’on y songe, on se dit que le personnage de ce Scorpion là n’est tout de même pas très caractérisé, qu’on ne connaît et ne connaîtra jamais grand chose de lui, pourtant tueur remarquable, sans pitié et sans état d’âme de victimes choisies presque au hasard et d’une adolescente violée, torturée (très jolie image de la dent arrachée à vif) et étouffée dans un regard de contrôle du pont du Golden gate. Je ne suis pas a priori forcément amateur d’explications psychanalytiques tortueuses, qui, souvent, en font un peu trop, mais expliquer le comportement de Scorpion par le seul attrait du gain me semble trop minimal : il y avait sûrement à placer quelques jolies allusions à des drames intimes qui donnaient une lueur à sa folie.
J’imagine évidemment que l’attitude de la Justice étasunienne qui est contrainte de libérer l’assassin et d’engueuler Harry aura indigné une palanquée de braves gens ; il y a peu, en France, un tueur de flics (en Seine Saint Denis), une veuve noire qui a, sans doute empoisonné quatre ou cinq de ses compagnons (dans l’Isère) ont mêmement été libérés parce que nous sommes en État de droit et que des textes, des procédures, des jurisprudences se dressent pour protéger l’individu devant l’évidence des culpabilités. L’Inspecteur Harry, qui ne me paraît pas partager ce point de vue humaniste en est tout retourné. Moi qui, selon mon degré d’émotivité et l’empathie que je ressens pour les victimes, balance volontiers entre l’une et l’autre position, ne suis pas mécontent que l’on puisse, dans nos sociétés civilisées, se poser la question.
On sait depuis longtemps que Clint Eastwood est un libertarien, espèce d’individu à peu près inconnue dans notre vieille Europe, mais dont un beau spécimen cinématographique est notre ami Lewis (Burt Reynolds, dans Délivrance de John Boorman), un type qui estime qu’il est assez grand garçon pour se passer des règles fixées par la Société et qui la contraignent et, à la fois, lui donnent sa valeur.
Vaste programme, n’est-ce pas ?