Inépuisable personnage du commissaire Maigret ! Depuis 1932 (La nuit du carrefour de Jean Renoir avec Pierre Renoir) jusqu’au Maigret de Patrice Leconte de 2022 avec Gérard Depardieu on en a connu plein d’incarnations, d’ailleurs très différentes. Peu de choses en commun entre Michel Simon, Albert Préjean, Jean Gabin, sans parler des illustrations télévisées de Jean Richard (il paraît moins catastrophique que d’habitude) ou de Bruno Crémer (qu’on m’a dit excellent) en fin de carrière.
Maigret à Pigalle, c’est Gino Cervi, le Peppone des Don Camillo dans une coproduction franco-italienne point désagréable, mais un peu mal fichue. Le réalisateur Mario Landi n’a pas laissé grande trace dans l’histoire du cinéma : il tourne en bon artisan un film un peu plon-plon, au scénario suffisamment compliqué pour qu’on n’y retrouve pas ses petits. Je n’ai pas lu le roman de Georges Simenon dont est adapté le film qui s’appelle Maigret au Picratt’s mais, connaissant un peu le magnifique écrivain, je doute qu’il ait conçu une intrigue aussi farfelue et compliquée : il n’est pas Agatha Christie, encore moins Sébastien Japrisot. Ce qui l’intéresse, ce qu’il fait ressentir avec son immense talent, c’est l’atmosphère d’un monde, ce sont les caractères de personnages…
On peut retrouver un peu, au début du film de Landi, les traces de la nuit de Paris à la fin des années 60, un peu aussi l’ambiance des mesquins petits cabarets de Pigalle, les rabatteurs qui vous promettent de voir nues les plus belles filles du monde, les entraîneuses qui vous poussaient à boire et devenaient à l’occasion hôtesses montantes, comme on disait, le whisky de seconde zone, le champagne éventé, les numéros de déshabillage presque chastes… Nostalgie…
Le reste se laisse voir ; ce n’est pas antipathique, on ne s’ennuie pas, on suit paresseusement. Mais ça ressemble bien davantage à un épisode moyen des Cinq dernières minutes à révélation finale qu’à une des réussites de Jean Delannoy, surtout Maigret tend un piège où l’on sent presque physiquement la lourde pesanteur de la canicule tombée sur le Marais. Et puis, dans ce genre de films, le trop grand nombre de flashbacks qui font artificiellement progresser l’intrigue ou expliquent les motivations des personnages ralentissent le rythme du film et en alourdissent les péripéties.
Arlette (José Greci), une des strip-teaseuses du Picrate vient d’être étranglée. Elle travaillait dans un cabaret tenu par l’ancien malfrat Fred Alfonsi (Raymond Pellegrin) et sa femme Rose (Lila Kedrova), nettement plus âgée que lui et à lui follement attachée, qui supportait ses nombreuses fredaines et même la passion qu’il éprouvait pour l’assassinée Arlette. Au lieu de partir en vacances, Maigret enquête sur les brisées de son vieux camarade, le médiocre Inspecteur Lognon (Alfred Adam). Parallèlement une vieille femme qui a jadis connu de meilleurs jours, la Comtesse, lourdement droguée à la morphine, est-elle aussi étranglée. Elle possédait des diamants de grand prix, reste de son opulence passée, soigneusement dissimulés. Il est vrai qu’elle s’était débarrassée de son riche mari, un aristocrate qui l’avait ramassée à la rue. Oscar Bonvoisin (Giulio Maculani), le chauffeur du couple était au fait de l’assassinat.
C’est là que j’ai décroché : j’ai cru comprendre que les deux assassinats n’avaient pas de rapports l’un avec l’autre sauf à s’être déroulés dans le même quartier et quelques relations communes. C’est tout.
Mais je vous rassure : à la fin Maigret éclaire tout. En tout cas pour lui. pour nous, spectateurs, c’est autre chose.