Malgré les grimaces excessives et les gambades débridées de Robin Williams et l’abondance de plaisanteries insanes graveleuses, Man of the year est un film qui ne manque pas d’intérêt. Un peu foutraque et mené paresseusement, certes, par Barry Levinson, mais plein de sujets alléchants.
Foutraque parce que se surexposent plusieurs thèmes sans qu’on comprenne vraiment ce que Levinson a voulu montrer, sans doute parce qu’il ne choisit pas trop bien son angle. On s’amuse d’abord assez, surtout en période électorale, de voir un gugusse beau parleur de talkshows télévisés, Tom Dobbs (Robin Williams, donc), se présenter à la Présidentielle étasunienne en une manière de fanfaronnade.
C’est une sorte de Coluche, qui a un succès fou, appuyé sur une équipe soudée, managée par Jack Menken (Christopher Walken). Comme Coluche, Dobbs se prend au jeu et sème une roborative panique au milieu des discours convenus des autres candidats, le Républicain et le Démocrate, qui sont du même monde (en France, on appelle ça l‘UMPS).
Mais au contraire de notre comique hexagonal, Dobbs va jusqu’au bout et bénéficiant sans en être conscient ni complice d’un bogue informatique du système de votation électronique Delacroy, est élu Président.
Toute cette partie est excellente, notamment lorsque la mayonnaise commence à se solidifier et que les propos iconoclastes de Dobbs entraînent l’enthousiasme des foules. Le populisme, les propos de bon sens, les vacheries spirituelles de Dobbs décontenancent tous les états-majors.
Menken/Walken exprime parfaitement, d’ailleurs, ce qui est désormais le b-a ba du succès politique et du marketing électoral : Les comiques remplacent aujourd’hui le Journal télévisé, les gens n’écoutent plus les arguments. Regardez le Petit journal de Canal+ et autres émissions de la même farine et la dérision continue, permanente, systématique qui ôte toute possibilité d’argumentation et de réflexion : c’est exactement ça.
Deuxième thème qui s’entrecroise avec le premier : moins la possibilité du dysfonctionnement d’un système électronique que celui de la nécessité pour l’entreprise qui en est à l’origine de dissimuler l’erreur pour ne pas perdre toute crédibilité économique. Et, de surcroît, qui vient se greffer, troisième thème : celui de l’erreur électorale qui aboutit à un résultat faussé. Man of the year date de 2006 ; est évidente l’allusion à la mémorable élection de 2000 qui opposa George W. Bush à Al Gore et qui vit la victoire du premier, après un interminable suspense dû au décompte des voix de la Floride.
Enfin, quatrième thème, l’histoire amoureuse entre Dobbs et Éléanor Green (Laura Linney), jeune informaticienne de la société fautive Delacroy, qui s’est aperçue fortuitement de l’erreur, se voit menacée par sa hiérarchie si elle la révèle mais se croit investie de la mission de la dévoiler au Président fallacieusement élu.
C’est beaucoup plus simple sur l’écran que dans ma narration, mais, si on ne perd jamais le fil, on est un peu décontenancé par l’absence de direction : on a l’impression que Levinson défouraille sur tout ce qui bouge mais s’en contente, alors qu’un discours sur la réalité (ou l’illusion) de la représentation politique aujourd’hui dans nos grandes démocraties aurait été très pertinent…