Haletant !
J’ai bien dû voir et revoir quatre ou cinq fois Marathon man, et à chaque vision, je me laisse avoir par le rythme haletant, la qualité de l’interprétation, la caractérisation des personnages… Il n’y a pas jusqu’à la complication extrême de l’histoire – qui confine à l’invraisemblance – et même à la fin un peu trop niaise (la dispersion des diamants dans le château d’eau) qui ne concourent au charme du film…
Deux ou trois petites remarques :
- On cite, à très juste titre, comme un sommet de douleur physique ressentie jusque par le spectateur le percement de l’incisive de Thomas Lévy (Dustin Hoffman) – à quoi on pourrait d’ailleurs ajouter la séquence précédente où le Dr. Szell (Laurence Olivier) vient aiguillonner une carie débutante – ; mais il y a aussi une bien belle scène d’action lorsque le frère de Tom, Henry Doc (Roy Scheider) est attaqué dans sa chambre du Plazza Athénée par le Chinois muni de son lacet d’acier et a juste le temps d’interposer sa main droite qui est alors profondément entaillée… La séquence de l’assassinat de Doc par Szell dans l’étrange décor d’un centre commercial désert, aux marches d’escalier soulignées de néon rouge, parce qu’il surprend, décontenance par sa brutalité, est extrêmement réussie.
- L’effarement de Tom voyant s’écrouler autour de lui toute la stabilité du monde qu’il s’est construit (et qui n’est pas très ferme, ni très équilibré), découvrant les étranges et ambigus agissements de son frère Doc, de Janeway (William Devane), patron de son frère et d’une agence secrète du gouvernement, d’Elsa Opel (ravissante Marthe Keller), amante qui, en fait, le surveille, tous ces faux-semblants, mensonges et duperies qui le renvoient à son traumatisme d’enfance et à son père suicidé, cet effarement m’a fait songer au traitement que fait subir – en plus léger, et quelquefois même en plus cocasse – Martin Scorsese à Griffin Dunne dans After hours : il y a sous le monde que je vois exister des tas d’autres réalités et d’autres nœuds de force…
- Laurence Olivier a reçu un Oscar pour sa prestation dans Marathon man ; sa ductilité et sa capacité de capter l’attention sont d’une rare maîtrise ! Et il parvient presque à gagner l’adhésion du spectateur lors de sa fuite dans le quartier juif des joailliers, lorsqu’il est reconnu par d’anciens déportés qui se mettent à poursuivre leur tortionnaire, L’ange blanc ! Parvenir – inconsciemment – à presque souhaiter que s’échappe un aussi épouvantable bourreau m’a glacé ; risques et magies du cinéma !