Sur un tel sujet, sur un tel mythe, si on connaît un peu son boulot et si on possède à fond les codes de l’horreur, ce qui est précisément le cas de Marcus Nispel, on ne risque pas d’ennuyer le public. Et, de fait, ce remake du film de Tobe Hooper est de ceux qu’on regarde du début à la fin en se régalant (enfin… quand on aime ce genre de trucs sanguinolents, ce qui est mon cas, mais n’est – heureusement – pas du goût de tout le monde).
C’est très bien fait, tourné dans des lumières cradingues qui conviennent au mieux à cette histoire dégueulasse. Le nombre de tibias arrachés et de crânes découpés est réglementaire et les décors suintants rendraient presque esthétiques les chairs putrides qui font l’ordinaire de la sympathique famille Hewitt, dont Leatherface est la plus brillante illustration. Les jeunes crétins qui vont se faire zigouiller les uns après les autres ont bien cette suffisance niaise qui fait ne pas trop regretter leur disparition. Les filles sont joliment fichues et leurs cris hystériques répondent aux critères du genre.
N’est pas mal non plus l’idée d’introduire et de conclure le film sur de prétendus reportages d’actualité, rendus encore davantage véridiques par les allusions à ce sacripant d’Ed Gein, personnage criminel réel, dont les détestables habitudes de nécrophilie, de cannibalisme et d’écorchement ont inspiré maints films, dont Psychose et Le silence des agneaux. D’emblée pas le moindre doute sur les horreurs que l’on va voir ; pas le moindre doute non plus sur la punition des méchants ; mais dans le puritano-moralisme habituel étasunien, vaste est la conception du péché et de la méchanceté ! Les cannibales sont donc à peine plus coupables que les jeunes gens, consommateurs de substances interdites et amateurs de galipettes sans façon. Finalement, celle qui s’en sort le mieux (qui s’en sort tout court, d’ailleurs), c’est Erin (Jessica Biel) qui est nettement plus convenable que cette cuisse légère de Peper (Erica Leerhsen).
Mais on ne mégote pas sur la crasse et si la grammaire de l’épouvante est parfaitement rendue (bruits, couleurs, atmosphère, crochets, tranchoirs, bocaux glauques), je trouve tout de même qu’il manque quelque chose de principal : les dégénérés. La famille monstrueuse n’a pas l’épaisseur (on n’ose écrire le charme) qu’avait celle du film originel. On a beau faire connaissance avec ces faces immondes en espérant qu’à un moment donné on apercevra un soupçon de substance, on a beau, à chaque rencontre (la femme de la station-service, le cul-de-jatte, l’enfant, le shérif, la femme obèse, sa fille voleuse de bébé) se dire qu’il y a un beau gouffre d’humanité à découvrir, on est assez déçu. Il n’y a, en tout cas, rien qui soit comparable avec le fameux dîner du film originel : il manque de la structure.
Bon, on ne va pas se plaindre outre mesure ; on conservera en tête quelques séquences hallucinantes, comme la salaison vivante d’une des victimes ou la poursuite finale dans l’abattoir. Film d’horreur brutal, efficace, mais qui manque de poésie, finalement.