Journal d’une jeune fille paumée.
Le meilleur film de son auteur, paraît-il. Qu’est-ce que les autres films de Hou Hsiao Hsien doivent être, alors, pour conjuguer une absence totale de récit, d’histoire, d’intrigue et un parti-pris d’images trop colorées, fatigantes à force de vouloir éblouir le spectateur et d’une pratique de filmage qui met en valeur des gros plans sans aucun intérêt et des ondoiements continuels, répétitifs, caricaturaux sur les personnages…
Personnages. Y en a-t-il, d’ailleurs ?
Ces minables raclures taïwanaises qui passent leur temps à fumer une cigarette allumée à l’autre, à s’imbiber d’alcools divers, à se détruire avec des drogues exotiques, à dansotter dans des boîtes de nuit exaspérantes et – finalement – à peu faire l’amour, sont-ils des personnages ? Ont-ils une structure, une épaisseur, une réalité qui nous permettrait de les regarder avec sinon de la sympathie, du moins avec une toute petite bienveillance ? Aucun des acteurs n’existe, aucune trace de leurs parcours répétitif, inutile, continuel n’a la moindre qualité.
J’dis ça, j’dis rien, comme on entend aujourd’hui dans la communauté des crétins. Si l’on veut – si on le veut fort vraiment – il y a, en appuyant très fort sur la chanterelle – une sorte de fil directeur. Mais si ténu, surtout si insignifiant qu’il fait un peu honte de le relater.
Une pauvre jolie fille en rupture de ban, Vicky (Shu Qi), complétement hors des clous et des normes erre, dans Taïwan à la recherche d’elle-même. À tout le moins à essayer de vivre, prise dans une sorte de dépendance qu’elle ressent vis-à-vis de Hao-Hao (Tuan Chun-hao), un type insignifiant, violent, quelquefois brutal, souvent indifférent à tout. Un type qui, comme Vicky d’ailleurs, passe son temps à boire, à fumer, à se droguer. Beaucoup plus qu’à faire l’amour, d’ailleurs. Et d’ailleurs aussi, dès que le mec essaye de toucher la fille, elle se rétracte comme une huître qui reçoit vivement une goutte de citron.
Interminables plans-séquence très colorés dans les bleus moyens, les rouges vifs, les jaunes ternes. On comprend bien que le réalisateur Hou Hsiao-hsien se donne du plaisir en filmant des atmosphères glauques, enfermées, malsaines où se déroulent des scènes chargées, répétitives, insignifiantes. La pauvre Vicky revit, dix ans plus tard, les séquences humiliantes que Hao-Hao lui a fait vivre : les humiliations, les mépris, les baffes, les récriminations, les insultes, les violences. Elle ne peut pas s’enfuir, il ne se décide pas à s’en séparer, à se résigner d’une certaine façon.
Rien à dire ; les violentes tâches de lumière qui se superposent aux fonds colorés de bleus et de rouges apparaissent vite pour ce qu’elles sont : des procédés que le pauvre réalisateur fait intervenir pour que le gogo admire. Il est vrai qu’il y a tant de gogos…
Il n’y a rien, dans ce film : ni récit, ni dialogue, ni prestation d’acteur : il n’y a que l’éclat de couleurs violentes, sur une dominante bleu profond, avec des tâches rouges. Il y a des gros plans sur des visages sans intérêt, sans personnalité, sans existence. Les protagonistes n’ont aucune personnalité, aucune substance. Encore s’il y avait un regard un peu sociologique sur cette vacuité si commune ! Mais rien de rien : la répétitivité si constante de quelques obsessions : Ça s’en va et ça revient comme disait le regretté Claude François, sans laisser demeurer la moindre trace.
Encore un de ces films bouffons, pleurnichards, minables qui tentent de culpabiliser les gens normaux. Fatigant.