Boulevard du crime
Un bon petit film à l’intrigue compliquée, mais bien menée, quoique qu’elle soit invraisemblable, un de ces films justement appelé du samedi soir où le populo qui n’existe plus venait frémir, s’enthousiasmer, trembler, s’indigner, découvrir l’assassin et fustiger le coupable…
Dans l’immeuble du 8, rue Arthur Rimbaud, voie inventée d’un Montmartre mythique, une belle salope de concierge, Madame Mado (Lysiane Rey), cuisse aussi légère que vénale secoue cœurs et corps, attise les jalousies et les haines.
Ça commence si bien qu’on se croirait dans une sorte d’Assassin habite au 21, avec des trognes et des dégaines typées, avec des aversions recuites et mille raisons de se débarrasser les uns des autres. Les trois premiers quarts d’heure donnent toutes les raisons du monde à tous les protagonistes d’avoir assassiné Mado ; ensuite, ça baisse d’un ton, et il devient trop évident qu’aucun de ceux qui auraient pu tuer n’a tué. De ce fait, on connaît trop vite et trop évidemment l’assassin. il ne reste plus qu’à connaître le mobile, assez incongru, et même un peu ridicule. mais ça n’a pas beaucoup d’importance : tout est dans l’atmosphère…
À côté d’acteurs qu’on n’a pas l’habitude de voir si jeunes (Rosy Varte
, Jean Carmet
) ou si bizarrement employés (Francis Blanche
), il y a la surprise de voir un Erich von Stroheim
qui reprend la silhouette des Disparus de Saint-Agil
pour tenir le rôle d’un évangéliste cinglé, il y a le sourire – quelquefois ambigü – de Madeleine Robinson
, il y a un Paris lépreux, mais un Paris où une femme seule pouvait, sans risque, donner un rendez-vous, à minuit, sous les arches du pont de Bercy où, aujourd’hui, je ne me risquerais que muni d’une Kalachnikov et d’une douzaine de grenades offensives…
C’est peut-être ça, finalement, la singularité du film : un monde disparu…