Ava la sublime.
On a peur, un moment, que ce sacripant de Clark Gable, qui se la joue dans l’éthéré et le gracile, ne préfère la timide et niaise Grace Kelly à la sublime Ava Gardner dont la beauté, le charme, l’abattage, la sensualité sont à faire rêver jaguars et antilopes. Mais heureusement il se rend compte de son aveuglement et finalement renvoie la blonde dans son calme monde et entame ce qu’on imagine une vie de rires, de whiskies frappés (et, incidemment, de stupre et de fornication) avec la brune. On respire.
Je ne me souviens pas d’avoir vu Mogambo dans mon jeune temps. Autant dire que la séance que je viens de m’offrir a été une révélation ; ça n’est pas aussi bien que Hatari, évidemment, mais qu’est-ce que l’Afrique est photogénique et qu’est-ce que les paysages sont splendides !
J’évoquais Hatari ; il me paraît peu contestable que Howard Hawks a vu le film de John Ford et en a tiré plein d’enseignements ; au début, c’est presque du copié/collé : Victor Marswell (Clark Gable) un aventurier déjà mûr a assis une entreprise de capture d’animaux sauvages dans l’Afrique de l’Est et vit au milieu d’amitiés viriles et d’indigènes disciplinés. Survient un grain de sable. Dans Hatari, c’est la journaliste Dallas (Elsa Martinelli) ; dans Mogambo, c’est une gourgandine attachante et dessalée, Éloïse Kelly (Ava Gardner), venue rejoindre un maharadjah, amant de passage qui vient de quitter l’Afrique pour l’Inde.
Arrive sur les lieux un couple dont le mari est un fade anthropologue Donald (Donald Sinden) et la femme, Linda, un bas-bleu pâlot (Grace Kelly, donc). Marswell croit en tomber amoureux parce qu’elle est exactement le contraire de la femme qu’il lui faut ; et elle s’entiche de cet aventurier séduisant parce que sa vie est l’exact contraire de la sage existence qu’elle mène.
L’intrigue sentimentale est assez ennuyeuse et convenue ; il paraît qu’elle reprend celle de La Belle de Saïgon de Victor Fleming ; c’est bien loin d’être le meilleur du film, qui réside plutôt dans le charme intact des paysages, dans la familiarité avec les animaux sauvages, dans l’atmosphère de l’Afrique d’avant. Mais, de ce point de vue, Hatari est bien supérieur, ne serait-ce que grâce à la densité des personnages secondaires.
Restent le charme d’Ava Gardner et la beauté de faire-valoir de Grace Kelly se disputant le cœur d’un Clark Gable un peu amorti, depuis Autant en emporte le vent mais encore bien séduisant.
Et que le volcan ait pièce sur l’iceberg, voilà qui fait plaisir…