La corruption au bœuf miroton
Il y a eu une époque dans le genre du cinéma français de divertissement (j’écris ce terme, qui n’a rien de condescendant ni de méprisant, par opposition au cinéma directement militant) où des réalisateurs parmi les plus appréciés du bon public tranquille se sont senti animés d’une vertueuse fièvre dénonciatrice et ont tendu le poing à l’éternelle et insubmersible corruption des élites financières. Mort d’un pourri, de Georges Lautner date de 1977, Le sucre de Jacques Rouffio de 1978, Une étrange affaire de Pierre Granier-Deferre de 1981, Mille milliards de dollars d’Henri Verneuil de 1982. En gros les années Giscard, avec un petit dépassement sur les années Mitterrand, qui ne furent pas davantage exemptes de scandales affairistes et de jolis coups pleins de pognon.
Ma foi, dès que je regarde l’Histoire, je n’y vois guère que ce genre de choses, les malins et les sans scrupules n’ayant jamais hésité à tondre la laine sur le dos des braves honnêtes couillons. S’en indigner est chose commune et ce n’est assurément pas le délicieux climat pré-présidentiel dans quoi nous sommes plongés qui va me faire changer d’avis. Au moins quelques bons films ont-ils pu être réalisés sur cette éternelle indignation. Après tout, il faut bien que le Diable porte pierre.
Mort d’un pourri est-il un bon film ? Si l’on entend par là un film où on ne s’ennuie pas, où on suit sans difficulté les péripéties compliquées et souvent invraisemblables traversées par un héros presque omnipotent qui parvient à se faufiler au milieu des pire chausse-trapes, à rencontrer des jeunes femmes charmantes, à approcher de perfides canailles et enfin à dévoiler des traîtrises scandaleuses, on a son content d’émotions. D’autant que Georges Lautner n’est pas un réalisateur manchot, qu’Alain Delon en fait toujours plus que le minimum syndical et que, comme je ne cesse de m’en réjouir, la distribution est riche de ces trognes de second plan qui permettent de se tenir au chaud dans ses pantoufles, un ballon de bon cognac au creux de la paume. Grand plaisir, c’est vrai de revoir d’abord Maurice Ronet, mais aussi François Chaumette, Michel Aumont, Julien Guiomar, Daniel Ceccaldi… et les films contemporains peuvent ne pas trouver aussi girondes que Stéphane Audran, Mireille Darc ou Ornella Muti. Il n’y a que Klaus Kinski qui soit un peu incongru dans ce capharnaüm.

On est bien content de n’avoir pas été dérangé pendant sa digestion.